mardi 23 juillet 2013

Comment les téléphones portables et tablettes savent-ils dans quel sens on les tient ?

Je prends enfin le temps de répondre à cette question un peu technique ! De nombreux appareils intègrent aujourd'hui des capteurs pour recueillir des informations sur leur orientation. Ces dispositifs facilitent grandement l'utilisation des téléphones, des tablettes et de certains appareils photos numériques en permettant par exemple le basculement de l'affichage ; pratique pour jouer à Candy Crush dans le bon sens. Ils sont également à la base de la technologie de détection des mouvements dans les wiimotes et autres interfaces de jeu. Pour cela, les appareils embarquent des dispositifs ultra-miniaturisés et super précis : un accéléromètre, un gyroscope ou parfois même les deux ! Voyons comment tout cela fonctionne :

L’accéléromètre

Le principe de l'accéléromètre n'est pas bien compliqué : imaginez un tube vertical dans lequel une petite masse est suspendue à un ressort. Ce ressort est tendu avec une certaine longueur à cause du poids de la masse. Si on prend trois tubes à ressort et qu'on les dispose selon trois axes perpendiculaires (appelés de façon très originale X, Y et Z dans la figure ci-dessous), on obtient un système comme celui-ci :

Schéma de l’accéléromètre à ressorts sur trois axes.
Ce système est rattaché à l'objet dont on veut mesurer l'inclinaison. Sur la figure, seul le ressort dans le tube vertical est tendu, les autres sont au repos. Si l'on tourne l'appareil sur le côté, de sorte que l'axe des X pointe vers le haut, c'est le ressort X qui sera tendu, et le ressort Y retrouvera sa position normale. Si on retourne complètement l'appareil, avec l'axe des Y pointant vers le sol, le ressort Y va se contracter, l'appareil "saura" qu'il est à l'envers. Pour une position quelconque, pour laquelle l'axe Y ne correspond pas à la verticale, les ressorts sont tous étirés ou contractés d'une certaine longueur, reliée aux angles d'inclinaison (et qui ne dépend que de paramètres constants : l'accélération de pesanteur et la constante de raideur du ressort). Ce simple dispositif permet donc déjà à un appareil de détecter son orientation : il lui suffit pour cela de regarder de combien les ressorts sont comprimés ou étirés dans les trois directions et de calculer l'orientation correspondante.
Axes d'un accéléromètre dans l'espace (http://www.yetihq.com)
Déformation du ressort pendant une accélération.
Le dispositif permet aussi de déterminer l’accélération linéaire de l'appareil : si l'on déplace le tube verticalement avec une vitesse qui varie, le ressort va se comprimer ou s'étirer. La valeur de cette élongation (ou contraction) est proportionnelle à l'accélération, ce qui signifie qu'il est très facile de la calculer. Alors bien sûr, au repos,  l’accéléromètre ne fonctionne qu'en présence d'un champ de gravitation. En apesanteur, l'Ipad se montre plus récalcitrant :

Votre téléphone ne contient évidemment pas un dispositif aussi rudimentaire, mais le principe est le même. Une puce de quelques centaines de micromètres seulement est chargée de vérifier l'orientation de l'appareil plusieurs dizaines de fois par seconde. A l'intérieur, une structure mobile en silicium en forme de peigne remplace les ressorts. Cette structure se déforme quand on déplace l’appareil et l'importance de la déformation est convertie en signaux électriques par un dispositif qui mesure la variation de potentiel électrique au niveau des "dents" :
Déformation dans la structure en silicium. Crédits : Anon E. Mouse
L'appareil peut ensuite calculer assez facilement son orientation dans l'espace. Sur la photo ci-dessous, on peut voir la forme centrale et le cadre rigide, reliés par des parties intermédiaires flexibles qui se déforment selon les mouvements imprimés à l'objet.
Composant MEMS accéléromètre, crédits
Il existe aussi des accéléromètres piézoélectriques où la déformation du matériau induit directement un signal électrique, mais le principe de base est similaire. Sur les produits plus récents, les accéléromètres sont complétés ou remplacés par des gyroscopes.

Le gyroscope

Exemple de gyroscope avec trois degrés de liberté de rotation autour de trois axes.
D'autres appareils sont équipés d'un gyroscope qui permet de mesurer directement les angles d'inclinaison, voire d'un gyromètre pour détecter les accélérations angulaires. Pratique quand on tient sa tablette comme un volant pendant un jeu de course. Ces deux instruments exploitent le principe de conservation du moment angulaire (ou moment cinétique) qui est l’équivalent, dans les mouvements de rotation, du principe de conservation du mouvement dans le cas d'une translation.

En gros, ce principe stipule qu'un objet poursuit son mouvement en l'absence de forces extérieures. Sur Terre par exemple, quand on lance une balle, la force de pesanteur ramène l'objet au sol et la force de frottement avec l'air la freine dans sa course. Dans l'espace, c'est autre chose : sans l'action de forces extérieures et loin de tout autre objet, la balle poursuit son chemin en ligne droite et à vitesse constante. Dans le cas d'un objet en rotation sur son axe, la rotation a tendance à se poursuivre, toujours en l'absence de forces extérieures. Si l'objet est correctement équilibré, il tend à résister si l'on essaie de changer son orientation. Si vous une toupie ou un objet facile à faire tourner sur lui-même, vous pouvez facilement faire le test : essayez d'incliner l'axe vertical de la toupie, vous verrez qu'il a tendance à se remettre d'aplomb dès qu'il en a l'occasion.

Le gyroscope a été inventé par Léon Foucault, à qui l'on doit aussi le grand pendule ayant servi à mettre en évidence la rotation de la Terre. Son gyroscope est constitué d'un plateau central en forme de disque en rotation sur l'axe vertical, relié à trois cercles extérieurs en rotation libre. Le disque central garde son orientation fixe (verticale) quels que soient les mouvements des cercles extérieurs. Si l'on essaie de l'incliner, une force de résistance apparait qui tend à le ramener à sa position d'origine. On peut acheter sur internet ou dans des boutiques comme Nature et Découvertes, de petits gyroscopes construits sur ce modèle : ils sont vendus comme des jouets éducatifs ou des accessoires pour faire des "tours de magie". Je vous laisse découvrir comment dans cette vidéo :


Encore plus cool : le Cubli ! Ce gadget ajuste la vitesse de rotation de ces trois roues grâce à des capteurs et retrouve l'équilibre dans toutes les positions :

Bon, retour au sujet : cette fois aussi, c'est une version électronique et miniaturisée du gyroscope qui équipe vos appareils numériques. Le dispositif ressemble à celui de l'accéléromètre mais le principe est un tout petit peu plus compliqué : cette fois, les axes de rotation sont déterminés par les plans de vibration des éléments déformables. Deux minuscules tiges vibrent de concert dans une enceinte rigide. Lorsque l'objet subit une rotation, les tiges se déforment comme dans la vidéo ci-dessous (à 1 minute 17 s). La mesure de cette déformation indique dans quel sens et à quelle vitesse l'appareil a été incliné.


Sur la figure ci-dessous, on peut voir comment la déformation des pièces centrales est utilisée pour déterminer la nature de la rotation. Alors que les pièces mobiles vibrent dans le plan horizontal, leur centre oscillant de gauche à droite, la structure subit une rotation autour de l'axe Z (dans le sens inverse de celui des aiguilles d'une montre).
Le fonctionnement du gyroscope à structures vibrantes, crédits.
Dans ce dispositif, la déformation est provoquée par l'apparition d'une force inertielle, appelée force de Coriolis. Cette force est un peu comme la force centrifuge mais elle n'agit pas de la même façon : elle s'exerce perpendiculairement à la direction du mouvement d'un corps qui se déplace au sein d'un milieu en rotation. C'est cette force qui explique (en partie) les sens de rotation différents des nuages dans les deux hémisphères. Dans la figure, elle apparaît et induit une déformation sur l'axe des Y. Cette déformation induit une variation de capacité électrique qui est interprétée par l'appareil en termes de rotation ! Et le plus beau, c'est que ça ne coûte pratiquement rien et que ça tient dans le volume d'un grain de riz ! L'usage de ces gyroscopes électroniques n'est bien sûr pas exclusivement réservé aux téléphones et tablettes : ils équipent par exemple les drones dont ils corrigent la stabilité.

Pour en savoir davantage, on peut lire cet article sur le blog Pourquoi, Comment, Combien qui détaille le fonctionnement des gyroscopes d'aujourd'hui et d'hier. Cette page (en anglais) présente les éléments en détail.


5 commentaires:

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  3. Bonjour, savez vous comment faire pour localiser un portable gratuitement plus facilement...

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  4. Merci pour cet article :) les explications sont claires, bien amenées et bien illustrées. Continue comme ça :)

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  5. Intéressant et très didactique ! Me voici enfin (bien) informée sur cette question essentielle !

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