samedi 6 juillet 2013

La trilogie météorologique. Episode 1 : la tête dans les nuages

La météo de ce début d'année vous a plu ? Vous en redemandez encore ? Alors, en attendant de faire un billet sur la fiabilité et l'optimisme des prédictions météo en France, je vous propose aujourd'hui un petit article sur les nuages. Voici une sélection de spécimens qui ont titillé l'imagination des taxinomistes brumeux. Comme pour d'autres articles, j'ai adapté ce billet dans une vidéo d'animation, sur notre chaine YouTube Big Bang Science :



Les nuages arc-en-ciel (nuages iridescents) 

Nuages iridescents
Le phénomène est esthétique mais plutôt banal : lorsque le soleil est masqué par des nuages opaques, on aperçoit parfois de fins nuages irisés (judicieusement appelés nuages iridescents). Constitués de fines gouttelettes d'eau, ils diffractent la lumière du soleil comme le font les gouttes de pluie. Leur caractère iridescent vient du fait qu'ils sont peu épais : en moyenne, la lumière du Soleil n'est diffractée qu'une seule fois (contrairement aux nuages plus épais, où la lumière est diffusée dans toutes les directions et finit par se perdre). L'irisation dépend de votre position et de celle du soleil mais elle peut être observée dans de nombreuses situations. La montagne est un bon point d'observation, surtout si vous remontez la pente tranquillement installé dans un télésiège, face au Soleil. Les jours de beau temps, les petits nuages qui franchissent péniblement les cols s'irisent dès qu'ils interceptent les rayons lumineux. Ça marche aussi, dans une moindre mesure, avec la lumière réémise par la Lune !



Les nuages en forme de rouleaux (arcus) 

Nuages en rouleaux ou "arcus"
Formation d'un arcus. Source.
L'arcus est un type de nuage bas qui prend parfois la forme d'un long rouleau horizontal. Il apparaît généralement pendant les orages : l'air froid (en bleu sur la figure ci-contre) est entraîné par les précipitations. Il part du sommet du nuage (parfois à plus de 10 000 mètres d'altitude) jusqu'à rencontrer de l'air chaud et humide (en orange) plus près du sol. L'air chaud est alors soulevé, et, sous l'action des vents opposés, le nuage commence à "rouler" (voir les vidéos ci-dessous). Il adopte alors une forme cylindrique et étend son ombre menaçante sur des kilomètres tout en restant à basse altitude, ce qui le rend très impressionnant. On l'observe pourtant également par beau temps, comme en témoignent les deux dernières vidéos ci-dessous.

Nuages en rouleaux

Les mammas 

Mammatus
Les mammas sont des nuages en forme de mamelons à la mine surnaturelle. Leur formation singulière n'est pas encore très bien comprise. Le mécanisme proposé fait intervenir la différence d’humidité entre la base et la partie supérieure du nuage : celle-ci induit une circulation très localisée de l'air qui forme alors ces petites poches. En attendant une explication plus complète, je vous invite à regarder le diaporama ci-dessous:

Undulatus Asperatus

Asperatus est un nouveau venu dans la famille des nuages : la désignation a été proposée en 2009 pour décrire ces nuages qui semblent complètement artificiels. Si elle est acceptée, les asperatus deviendront un nouveau type de nuage, plus de 60 ans après cirrus intortus.


J'ai découvert ces nuages sur le blog Strange Stuff and Funky Things. Leur aspect esthétique, presque huileux, vient du fait qu'ils sont constitués de masses d'air suffisamment différentes (une très chaude et humide, l’autre très froide et très sèche) pour ne pas se mélanger. C'est encore plus beau en time-lapse :

Undulatus Asperatus
Et en aout 2014, j'ai eu la chance de voir un nuage qui y ressemble un peu, juste au dessus de chez moi !
Un embryon d'Undulatus Asperatus, pas loin de Paris !

Les nuages lenticulaires (altocumulus lenticularis) 

Très fréquents, ces nuages solitaires se forment en altitude et sont régulièrement pris pour des soucoupes volantes. C'est encore à la montagne qu'on a le plus de chances d'en observer, souvent perchés sur un sommet. Les nuages lenticulaires sont constitués de strates superposées et semblent immobiles. En réalité, ils se reforment en permanence du côté du vent et se désagrègent de l'autre. Les nappes d'air ascendantes, qui transportent de la vapeur d'eau, se refroidissent en altitude. L'humidité se condense alors sous forme de gouttelettes ou de cristaux de glace et forme le nuage. En redescendant de l'autre côté, l'air se réchauffe et l'eau s'évapore : le nuage disparait. En altitude, les forts vents horizontaux sculptent les nuages en forme de lentille sans paraître les déplacer.
Nuages lenticulaires, Mont Iwate, Japon


Les nuages noctulescents :

Comment on voit les nuages noctulescents
Les nuages noctulescents se forment à très haute altitude, entre 75 et 85 kilomètres, beaucoup plus haut que les nuages ordinaires. Ils sont visibles quand la nuit tombe : la Terre est dans la pénombre mais le Soleil éclaire encore les objets à très haute altitude (comme la lune par exemple). Un observateur placé à la bonne distance pourra alors voir les nuages éclairés par le dessous, alors qu'il est lui même plongé dans la nuit. Ces nuages énigmatiques ne sont pas encore très bien compris : on ignore encore les conditions exactes de leur formation et de leur maintien à des altitudes aussi extrêmes.

Des nuages noctulescents, crédits : Alan Dyer
Au début du mois d'aout dernier, l’astronome Maciej Winiarczyk a filmé cette séquence extraordinaire en Écosse : des nuages noctulescents avec des aurores boréales !




L'instabilité de Kelvin-Helmoltz :

L'instabilité de Kelvin-Helmoltz dans les nuages. Crédits : Paul Chartier
L'instabilité de Kelvin-Helmotz
L'instabilité de Kelvin-Helmholtz est un phénomène de la mécanique des fluides. Il survient lorsque deux couches de fluide stables superposées se déplacent à des vitesses différentes. Dans le cas des nuages, la couche d'air au dessus du nuage entraine dans son mouvement les particules du nuage qui se déplacent plus lentement. Réciproquement, la couche nuageuse plus lente freine les particules de la couche supérieure. L'instabilité survient rapidement et donne aux nuages une forme de vagues :

Mélange de deux fluides avec une instabilité de Kelvin-Helmoltz
L'instabilité de Kelvin-Helmoltz dans les nuages. Crédits : Yenom

L'instabilité de Kelvin-Helmoltz dans les nuages. Crédits : Henrik Bondo

Les ondes de gravité 

En parlant d'ondes et de mécanique des fluides, vous avez probablement déjà observé des nuages comme ceux de la photographie ci-contre. Comme leur nom l'indique, les ondes de gravité sont dues à la force de pesanteur. Elles se propagent à la surface d'un fluide lorsque celui-ci est perturbé, un peu comme des ronds à la surface de l'eau, après qu'on y a lancé un caillou. En météorologie, ces ondes correspondent aux variations de pression atmosphérique créées par la chute d'une masse d'air. Cela arrive quand le sol présente une dépression par exemple. En chutant, la masse d'air se retrouve soudainement en contact avec les couches d'air inférieures, dont la densité est plus élevée. Elle subit alors quelque-chose de similaire à ce que peut connaitre un bouchon relâché sous l'eau : elle remonte, sous l'effet de la force d’Archimède et dépasse même son point d'équilibre. Du coup, elle redescend, se retrouve de nouveau expulsée vers le haut et ainsi de suite. Les oscillations créent ces motifs en bandes, que l'on voit beaucoup mieux quand on est au-dessus (certes, ce n'est pas donné à tout le monde) :
Motif nuageux formé par les ondes de gravité en aval de l'Île Amsterdam, une île volcanique de l'Océan Indien. Crédits : Wikipédia

Les trous de virga :


J'ai gardé le plus compliqué (le meilleur ?) pour la fin : les trous de virga ou fallstreak holes en anglais (merci à Anne So de m'avoir indiqué l'appellation française). Ces trous vaguement circulaires se forment dans des nuages où l'eau est dans un état métastable : la température est suffisamment basse pour qu'elle gèle, mais elle reste sous forme liquide. Il suffit alors d'une petite perturbation pour provoquer la cristallisation de l'eau. On peut regarder cette petite vidéo pour voir à quel point les phénomènes de métastabilité et de surfusion sont cools ! Ou lire cet article pour avoir plus de détails. Ci-contre, le trou de virga géant observé dans la région de Gippsland en Australie le 3 novembre 2014.


Quand la cristallisation débute, elle se propage rapidement dans tout le volume. Cette germination de cristaux est appelée "nucléation". Dans le nuage, il se passe à peu près la même chose : le passage d'un avion ou la présence de particules solides déclenche la nucléation. La cristallisation s'étend alors et finit par provoquer l'effondrement d'une partie du nuage qui n'est plus capable de maintenir en suspension les cristaux devenus trop lourds. Un autre phénomène, connu sous le nom d'effet Bergeron est aussi à l’œuvre ici : dans le nuage, la pression de surface des cristaux de glace est inférieure à celle des gouttelettes d'eau surfondues. La vapeur d'eau se condense donc préférentiellement sur les cristaux de glace. Ces derniers grossissent au détriment des gouttelettes, qui se vident de leur contenu et finissent par s'évaporer. Le "trou" laissé dans le nuage est assez spectaculaire :
Un "fallstreak hole"
Un fallstreak hole en Floride, au coucher du Soleil © Vicki Harrison.

Bonus : les nuages en double-hélice, les nuages d'Hévélius (circulaires) et les nuages d'insectes

Un nuage en forme de brins d'ADN, crédit : Mutant @ netall.ru
Ces nuages en forme d'ADN ont été photographiés le 24 décembre 2012 dans les environs de Moscou. Je ne sais pas comment ils se sont formés, mais ça me fait penser aux traces qu'un avion en train de vriller pourrait laisser. J'en ai eu connaissance via ce site, qui cite des sources russes. Ils ont probablement trouvé l'explication depuis, mais je ne comprends pas un traître mot. 


Un nuage en forme de brins d'ADN, crédit : donskoi92@netall.ru
Ce nuage circulaire mystérieux a été photographié vers Nîmes le 10 Novembre 2016, par Stéphane Bga. Il s'agit a priori d'un nuage extrêmement rare, dit "d'Hévelius". Je n'ai pas plus d'information, si vous en avez, n'hésitez pas à me contacter !

Dans le registre biologique : à première vue, un tourbillon nuageux au-dessus d'un lac. En réalité : des millions de Chironomidae, qui viennent tout juste de quitter leur stade larvaire et s'envolent pour se reproduire au dessus du lac Malawi, avant de retomber dans l'eau, pondre des œufs, et mourir.

C'est tout pour ce premier épisode. Les deux autres seront consacrés aux phénomènes météorologiques et atmosphériques étranges. Au menu : foudre en boule, feu Saint-Elme, farfadets et pluies d'animaux! Si vous avez des suggestions, ou des photos personnelles à montrer (si possible avec des nuages)je suis preneur, comme d'habitude ! Je signale également ce chouette article, qui explique comment les climatologues s’évertuent à comprendre les nuages : CLOUD : les physiciens dans les nuages.Et en guise de quelques superbes vidéos de paysages orageux :

A supercell near Booker, Texas from Mike Olbinski on Vimeo.

7 commentaires:

  1. Bonjour,
    J'aime beaucoup votre blog, que j'ai découvert récemment.
    A ce propos, à quand la suite de la nouvelle "Après les google glass..."
    Bonne continuation

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  2. Bonjour, merci pour votre commentaire.
    La suite dès que j'aurai un peu de temps :)
    A bientôt j'espère !

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  3. Le Nuage Punch Hole ou fallstreakhole.
    Voir lien: http://iamtop.fr/top/top-des-nuages-rares/top-des-nuages-rares-nuage-punch-hole.html
    Très beaux nuages!

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  4. Merci, mais je cherchais un nom français :)
    La source du lien renvoie à un article du daily geek show terriblement similaire à celui-ci !

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  5. Bonjour, ce blog est intéressant par son contenu riche en photographies que je connais déjà pour certaines. Cependant quand vous parlez d'ondes de gravité, en parlant d'ondes et de mécanique des fluides..., quand vous dites combien sont cool les phénomènes de métastabilité et de surfusion.... si je comprends bien, l'aspect des phénomènes de formation naturelle ne vous échappe en rien !!! C'est bien !! Mais qu’est-ce qui en est pour le côté d'origine anthropique ! Cela vous occultez ce revers de la médaille par méconnaissance des différentes programmes orchestrées liées la géo ingénierie ou est-ce volontaire ? Les ondes radio utilisées par HAARP créant de jolie vagues au dessus de nos têtes, l’ensemencement et la création de nuages artificiels, la présence des particules d'aluminium qui créent des arc-en-ciel de synthèse, de jolis nuages aux couleurs irisées, etc., tout cela ne vous parle donc pas !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!??????????????????????????????????????????????????

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  6. Bonjour ! Non, effectivement, je n'ai parlé que de phénomènes explicables naturellement, parler de HAARP ou d’ensemencement aurait été complètement hors-sujet. Parce qu'on n'a pas besoin de parler d'armes secrètes, de conspiration et de chimie pour expliquer un nuage ou un arc-en-ciel. La prochaine fois peut-être :)

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  7. Merci pour toutes ces informations passionnantes!

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