jeudi 11 octobre 2012

La théorie de la relativité restreinte expliquée

1) Introduction 


Il y a, dans l'histoire de la Physique, des découvertes remarquables, des inventions extraordinaires et des Hommes de génie. Galilée a formulé les premières lois de la dynamique, Newton a (co)inventé le calcul différentiel et découvert la loi de la gravitation, Maxwell a mis en équations les phénomènes électromagnétiques.. Si tous ont permis des avancées majeures dans leur domaine, personne n'a révolutionné notre vision de l'univers comme Albert Einstein. Avec sa contribution fondamentale à la mécanique quantique (il obtiendra le prix Nobel en 1921 pour son explication audacieuse de l'effet photoélectrique) et sa théorie de la relativité (avec la célèbre équation E = mc²), il a fait basculé l'édifice de la physique dite "classique" et propulsé l'Homme dans un monde nouveau.

Représentation de la courbure de l'espace-temps due à la Terre
Son génie tient autant aux équations qu'il a écrites qu' à sa faculté hors du commun à voir les choses sous un angle nouveau. Pendant que Picasso réinventait l'espace et bouleversait la perspective, Einstein réinventait notre vision du monde. Avec des idées à la fois merveilleusement simples et terriblement folles, Einstein a été capable de dépasser ce que l'on tenait pour acquis depuis des siècles, de donner un cadre nouveau à la science, dans lequel les résultats des expériences prenaient un sens radicalement différent.

Ainsi, sa théorie de la relativité restreinte, publiée en 1905, dans laquelle il montre pour la première fois que le temps et l'espace sont des notions liées, est assez accessible. Ce qui l'est moins, c'est d'accepter ce que cela implique, par exemple, le fait que le temps s'écoule plus ou moins rapidement selon la vitesse ! Dix ans plus tard, il généralise les principes exposés dans la première version et publie sa théorie de la relativité générale, dans laquelle la force gravitationnelle devient une courbure de l'espace-temps.

Je ne prétends pas que comprendre la théorie de la relativité dans son ensemble est facile. Le recours à une géométrie particulière, à la notion d'espace-temps et à de nombreux outils mathématiques nécessite des connaissances assez poussées. Néanmoins, il est relativement facile de comprendre la "première version", la théorie de la relativité restreinte. Certainement, cela est beaucoup moins compliqué que ce que vous imaginez. Einstein lui même voulait la rendre accessible et a publié un petit livre explicatif en ce sens ; La relativité. Dans sa préface, on peut lire :

"Ce petit livre a pour but de faire connaître, d’une manière aussi exacte que possible, la théorie de la relativité à ceux qui s’intéressent à elle au point de vue général, scientifique et philosophique, mais qui ne possèdent pas l’appareil mathématique de la physique théorique. La lecture suppose à peu près des connaissances de bachelier et -malgré le peu d’étendue du livre- une bonne dose de patience et de force de volonté. L’auteur n’a pas ménagé sa peine pour présenter les idées fondamentales d’une manière aussi claire et simple que possible et, en gros, dans l’ordre et la connexion dans lesquels elles ont réellement pris naissance."


Dans cet article construit en épisodes, je reprendrai les explications et le contenu de ce livre, en les simplifiant encore si possible et en les rendant plus visuelles. Pour cela, je suivrai le même cheminement de réflexion que celui employé par l’illustre Physicien. Le début vous semblera sûrement très facile, mais il est utile de bien s'entendre sur certains points si nous voulons pouvoir comprendre la suite. Si un élément ne vous semble pas clair, n'hésitez pas à me le faire savoir !

"L'imagination est plus importante que la connaissance"     (A.Einstein)


2) Règles, compas et rapporteur : la validité des mesures


Le cube d'Escher joue avec la perspective
Nous savons tous ce que sont une droite, un point, une surface, un cube etc. Peut être aurions nous du mal à en donner une définition précise mais au moins avons nous une idée des concepts auxquels ces mots se rattachent. De même, nous avons un souvenir plus ou moins bon des propositions de la géométrie euclidienne et des théorèmes appris au collège. En utilisant certains postulats de départ (les axiomes mathématiques), nous pouvions résoudre un problème par déductions successives. Cette géométrie est, sauf pour les mathématiciens qui manipulent des concepts et des objets abstraits, rattachée à notre réalité par des éléments de notre quotidien: une table rectangulaire, un pot cylindrique ou un fil par exemple. Nous sommes obligés, pour mesurer une longueur, un angle, une surface ou un volume, d'utiliser des instruments physiquement réels, comme le compas, une règle ou un rapporteur. Ainsi, nous confrontons les concepts à notre expérience de la réalité. On voit déjà que mesurer quelque chose  requière forcément le recours à un objet dont les propriétés sont connues et par rapport auquel nous exprimons les mesures. Par exemple, pour mesurer une longueur, nous pouvons utiliser une règle : un objet rigide, dont la taille est connue. Si nous mesurons la longueur d'un segment à la règle et que nous trouvons 30 cm, nous tenons pour "vrai" que toute autre mesure du même objet avec la même règle donnera également 30 cm, quels que soient l'endroit où nous trouvons et la vitesse à laquelle nous nous déplaçons. Ceci découle de ce que nous tenons pour "vrai" la proposition selon laquelle l'objet et la règle ont conservé leurs tailles respectives. Notre expérience de la réalité concorde avec les mesures: nous n'avons vu ni la règle ni l'objet changer de taille : à quoi bon mesurer sinon?

C'est, entre autres, cette certitude de l'absolue vérité de nos mesures que la relativité restreinte remet entièrement en cause. Nous verrons pourquoi un peu plus tard. Commençons par le commencement !


3) Repérer un objet dans l'espace: les systèmes de coordonnées


De la même manière qu' il faut un objet de référence pour mesurer une longueur, il faut un repère de référence pour situer un objet dans l'espace. Par souci de cohérence avec le livre, je reprends ici la notation utilisée par Einstein. Comme nous l'avons dit dans la section précédente, nous avons besoin d'un corps rigide pour mesurer la distance entre deux points. Einstein propose d’utiliser un bâtonnet, qu'il appelle S. Pour mesurer la distance entre 2 points A et B, il compte combien de fois il doit appliquer S le long de la droite AB. Dans l'exemple ci-dessous, le bâtonnet S est reporté 7 fois et un tiers environ.

Cette façon de mesurer est utilisable seulement si le corps mesuré est rigide, c'est à dire que la distance (AB) ne varie pas. Maintenant que nous savons comment mesurer les objets, il est utile de pouvoir les situer dans l'espace les uns par rapport aux autres. Pour cela, nous pouvons choisir un point de repère en référence auquel nous exprimerons les distances. Einstein propose le centre de la place du Panthéon, à Paris. Ce point est appelé "origine" du repère et il est noté O. Une distance (AO) sera mesurée en comptant combien de fois on reporte S en ligne droite pour aller de A à O. Mais cela ne suffit pas pour situer un point.

Pour décrire la position d'un point, nous introduisons un système de coordonnées. Le plus simple est d'utiliser un repère orthogonal dans lequel trois axes se coupent en angle droit. Une illustration vaut mieux qu'une description:
un repère orthonormal
Le point O est toujours au centre de la place, et les trois axes, communément appelés X,Y et Z, se coupent en ce point. Les traits gris sont des divisions régulières, des graduations de l'espace correspondant à notre longueur de référence S. Elles forment un quadrillage au sol qui facilite la localisation d'un point. En partant de O et en comptant combien de fois il nécessaire d'appliquer S suivant les trois axes, on peut situer n'importe quel point dans ce repère. Prenons un exemple. Si un ballon gonflé à l'hélium passe au dessus de la place, nous serons en mesure de le situer par rapport à O en procédant comme suit : nous dresserons verticalement une perche et nous arpenterons la place jusqu'à être en dessous du ballon, de sorte que la perche l'atteigne, tout en étant perpendiculaire à la surface de la place. Puis nous mesurerons la perche avec le bâtonnet S, ce qui nous donnera une mesure de la hauteur du ballon.

En comptant combien de fois on a utilisé S suivant les trois axes du système pour atteindre le ballon, on obtient les coordonnées du ballon dans le repère de la place du Panthéon: 3 chiffres qui indiquent exactement sa position. Dans le dessin ci-dessous, les coordonnées du ballon sont (1,8,3) car on s'est déplacé de 1 fois S suivant l'axe X, 8 fois S suivant l'axe Y et 3 fois S suivant l'axe Z. Le centre O a pour coordonnées (0,0,0).

De même, on peut attribuer des coordonnées à tous les points appartenant aux bâtiments qui entourent le Panthéon. Bien sûr, mesurer tout cela avec des bâtonnets et des perches et un peu fastidieux, il existe des méthodes plus simples, mais le principe de base reste similaire.

De plus, même si notre repère est nécessairement lié à un corps rigide fini (ici le Panthéon et les alentours), rien ne nous empêche d'imaginer un espace virtuel infini, qui serait créé par le prolongement infini de chacun des axes. Je rassure ceux qui aimaient l'idée du bâtonnet et des perches géantes; nous les utiliserons de nouveau dans la suite.

Ajoutons que l'usage de ce repère est restreint, entre autres à cause du fait que la Terre est ronde ; un promeneur thaïlandais ne pourrait pas s'en servir par exemple pour mesurer l'altitude de son  ballon, ou alors celui ci serait des milliers de kilomètres sous le niveau du sol, ce qui n'aurait aucun sens. Pour un australien, l'axe Y du repère serait inversé !


Néanmoins, il est permis de considérer que dans un cube de quelques dizaines de kilomètres de côté, centré sur la place du Panthéon, les positions des marcheurs, des pigeons, et des lampadaires peuvent toutes être décrites en se rapportant au repère introduit précédemment.

A quoi tout ceci va t-il servir ? Et bien, si nous devions donner des informations sur un événement qui se produirait dans cet espace, nous pourrions le localiser par ses coordonnées. Il nous resterait à préciser l'instant où il se produit, ce qui nécessiterait d'utiliser une mesure du temps. Ceci m'amène à la section suivante, où les choses commencent à devenir intéressantes !

4) Entracte : La tragédie de la trajectoire ou l'importance du référentiel

Nous savons maintenant repérer un point de l'espace en donnant ses coordonnées dans un repère constitué de trois axes se coupant à angle droit en un point appelé "origine du repère". Supposons que nous voulions maintenant décrire la trajectoire d'un objet dans ce repère (nous sommes toujours sur la place du Panthéon). Il faudrait que nous donnions une liste de différents points de l'espace successivement occupés par cet objet au cours du temps (comme si nous prenions une photo tous les dixièmes de seconde par exemple). Plus les points sont rapprochés (c'est à dire, plus l'intervalle de temps entre deux photos successives est petit) plus la description de la trajectoire est précise. Un touriste par exemple, pourrait s'amuser à lancer sa canette vide dans une poubelle. Si vous étiez immobile sur la place, voici comment vous verriez la trajectoire de la canette :
Prenons maintenant un autre exemple : le touriste a pris le TGV pour Nice. Le TGV file à 300 km/h, et le touriste décide d'aller s'acheter un bon vieux sandwich SNCF. Dans le wagon restaurant, en fouillant dans sa poche, il laisse tomber une pièce d'un euro. La pièce chute verticalement, et pour un observateur immobile situé dans le même wagon, sa trajectoire va consister en une ligne droite. Dans le référentiel du train, la trajectoire de la pièce est donc une ligne droite. Mais comment un observateur extérieur, qui regarderait passer le train depuis la fenêtre de sa maison, verrait-il cette même trajectoire (imaginons, s'il le faut, que les parois du wagon sont transparentes) ? S'il notait les positions successives occupées par la pièce au cours du temps, elles ne formeraient pas du tout une ligne droite. Voici ce que l'observateur extérieur au train verrait :


Dans le référentiel de la maison, la trajectoire de la pièce est une courbe. Pour décrire une trajectoire de façon précise, il faut donc impérativement mentionner dans quel référentiel on se trouve.

Ces référentiels sont constitués d'un repère (comme celui de la place du panthéon) et d'une origine du temps qui permet d'indiquer quand l'objet a occupé les positions successives de la trajectoire. Ainsi, nous pouvons définir un premier référentiel, celui du train : il est toujours constitué d'un système d'axes se coupant à angle droit à l'origine, que nous pouvons situer au centre du wagon restaurant par exemple ou ailleurs dans le train, ce n'est pas très important. Ce qui est très important en revanche, c'est de se rendre compte que ce référentiel est lié au train : il est emporté avec lui à une vitesse de 300 km/h. L'origine du temps peut être choisie de la même façon, elle peut être indiquée par la montre d'un des voyageurs : il lui suffit de noter quand la pièce a commencé à tomber, et quand elle a touché le sol. S'il était équipé d'un appareil de mesure plus précis, il pourrait même donner une meilleure description de la trajectoire, en donnant la position de la pièce toutes les 20 millisecondes par exemple. La montre du voyageur file également à 300km/h mais nous supposons (pour l'instant) qu'elle est parfaitement synchronisée avec celle de l'observateur extérieur qui regarde la pièce tomber depuis la fenêtre de sa maison. Nous pouvons maintenant dire sans trop d’ambiguïté : "dans le référentiel du TGV, la pièce décrit une trajectoire verticale de haut en bas".

L'observateur extérieur décrit la trajectoire dans son référentiel : un repère exactement similaire à celui du TGV mais dont l'origine se situe dans sa maison. Dans ce référentiel, la trajectoire de la pièce est une courbe : la pièce chute tout en se déplaçant horizontalement avec le train.

Comprendre l'importance du référentiel est essentiel pour la suite, car en plus de décrire les trajectoires, nous allons exprimer les vitesses et les accélérations par rapport à ces référentiels. C'est la base du principe de la relativité, que nous introduirons dans la section suivante.

5 ) Le principe de relativité (au sens restreint)

Par souci de commodité et de cohérence, nous allons conserver l'exemple du train. Cependant, avant de poursuivre, nous allons devoir préciser quelques éléments concernant le mouvement du train. On considère que celui ci parcourt une ligne droite à une vitesse constante (bien sûr, ce n'est généralement pas le cas, mais mieux vaut débuter par un exemple simple). Comme le train est animé d'une vitesse constante, on dit que son mouvement est uniforme. De plus, il se déplace le long d'une ligne droite sans changer d'orientation (il ne tourne pas sur lui même par exemple) : il effectue donc un mouvement de translation. Le mouvement du train est une translation uniforme.

TGV en translation
Nous devons aussi définir ce qu'est un référentiel galiléen. Ce n'est rien de bien compliqué mais nous en aurons besoin un peu plus tard. Il existe en physique une loi fondamentale que l'on doit à Galilée et qui a été reformulé par Newton en principe fondamental de la dynamique : la loi d'inertie. Cette loi peut être entendue ainsi : "Un corps suffisamment éloigné d'autres corps (et donc soumis à aucune force) persiste dans son état de repos ou de mouvement rectiligne uniforme". Cela signifie par exemple, que si la canette du touriste n'avait pas été freinée par l'air et attiré au sol par la force de gravité, elle aurait continué son petit bonhomme de chemin ad vitam eternam. Si elle avait été lancée dans l'espace, très loin de tout, son mouvement aurait été une translation uniforme. De la même façon, une fois immobilisée dans le fond de la poubelle, elle reste immobile car la somme des forces qui s'exercent sur elle est nulle (la résistance du sac poubelle compense la force de gravitation).

Un référentiel galiléen est un référentiel où cette loi d'inertie est valide. La Terre peut être considérée comme un référentiel galiléen pourvu que l'on considère des mouvements "habituels" comme la chute d'une pomme, la trajectoire d'une canette ou la translation d'un TGV. Le référentiel lié au TGV est également un référentiel galiléen pourvu qu'il soit animé d'un mouvement de translation uniforme rectiligne, comme dans notre exemple. En fait, tout référentiel lié à un objet en translation rectiligne uniforme par rapport à un référentiel galiléen constitue lui même un référentiel galiléen. Au contraire, si sa trajectoire est courbe, ou s'il est en accélération par rapport à un référentiel galiléen, alors le référentiel n'est pas galiléen. Nous reviendrons sur cette idée un peu plus tard.

6) L'addition des vitesses dans la description classique des mouvements

Il vous est sans doute déjà arrivé d'être dans un train s’arrêtant dans une gare. Le train stationne quelques minutes puis repart. Du moins c'est ce qui vous semblait, jusqu'à ce que vous vous rendiez compte que c'était un autre train, située sur l'autre voie, qui démarrait en sens inverse. Comme vous n'aviez plus le repère du quai, il vous était impossible de savoir lequel des deux trains était en mouvement.

Lorsque l'on exprime une vitesse, c'est toujours par rapport à un référentiel donné. Celle du TGV est donnée par rapport au référentiel lié à la maison : il se déplace à 300 km/h (environ 83 mètre par seconde) par rapport à elle. Ce qui veut dire que, si le TGV mesure 500 mètres par exemple, il s'écoule 6  secondes (500/83) entre le moment où l'avant du TGV arrive devant la maison et celui où l'arrière du TGV dépasse la maison.

Maintenant, nous aimerions savoir quelle serait la vitesse du TGV par rapport à une voiture qui se déplacerait dans le même sens, le long de la voie, à une vitesse constante de 90 km/h?  Vu depuis la voiture, le TGV aurait une vitesse de 210 km/h (300 - 90 = 210). Le TGV mettrait alors 8,5 secondes à dépasser entièrement la voiture.


Ainsi, quand on passe d'un référentiel galiléen à un autre, on peut additionner (ou soustraire) les vitesses. La vitesse du TGV par rapport au référentiel de la maison est égale à celle de la voiture par rapport à la maison plus celle du TGV par rapport à la voiture. Ce qui peut être écrit plus simplement comme ceci:

V (TGV/Maison) = V (TGV/ Voiture) + V (Voiture/Maison)

         300            =         210              +           90

Cette façon d'additionner les vitesses parait tout à fait logique. Mais Einstein explique que nous commettons là une erreur. Une erreur qui ne change pratiquement rien quand on considère des "vitesses faibles" comme celle du TGV mais qui devient dramatique dès que l'on s'intéresse à des vitesses très élevées, proches de la vitesse de la lumière. Cette vitesse de la lumière est d'ailleurs à la base de sa théorie et il est grand temps de s'y intéresser !

7) Le mystère de la vitesse de la lumière

Ici, nous allons aborder la question fondamentale de la vitesse de la lumière. Il faut absolument avoir compris la partie précédente pour poursuivre et avoir à l'esprit que, dans le cas particulier du mouvement rectiligne uniforme (vitesse constante le long d'une ligne droite), les vitesses semblent s'additionner facilement. Pour rappel, dans l'exemple donné, la vitesse du TGV mesurée depuis la voiture est de 210 km/h. La voiture roule à 90 km/h par rapport au référentiel de la maison. La vitesse du TGV par rapport à la maison est donc de 210 + 90 = 300 km/h.

Supposons maintenant qu'au lieu du TGV, on ait un photon (une particule de lumière). Ce photon a une vitesse dans le vide de  299 792 458 mètres par seconde*, c'est à dire 1 079 252 848,8 km/h (plus d'un milliard de km/h). Cette vitesse est notée c (comme "célérité") et elle est souvent arrondie à 300 000 km/s. Le photon se déplace en ligne droite le long des rails, exactement comme le TGV. La voiture est toujours lancée à 90 km/h le long de la voie et la maison ne bouge pas. On s'attend alors à avoir l'égalité suivante:

V (Photon/Maison) = V (Photon/ Voiture) + V (Voiture/Maison)

La vitesse de la lumière mesurée depuis la voiture devrait être légèrement inférieure à celle mesurée depuis la maison, attendu que la voiture se déplace déjà avec une vitesse de 90 km/h par rapport à la maison:

     1 079 252 848,8              =      1 079 252 758,8               +           90

Mais, si on effectue cette expérience, on trouve exactement la même valeur pour la vitesse de la lumière, quelque soit le référentiel par rapport auquel on la mesure. Autrement dit, on a : V (Photon/Maison) = V (Photon/ Voiture) et donc :

V (Photon/Maison) = V (Photon/ maison) + V (Voiture/Maison)

Ce qui voudrait dire que la vitesse de la voiture est nulle par rapport à la maison, ce qui est absolument impossible. Nombre de physiciens se sont cassés les dents sur ce problème a priori insoluble : quelque soit la vitesse à laquelle on se déplace, même si celle-ci est proche de celle de la lumière, on trouve toujours exactement la même valeur pour la vitesse de la lumière ! La loi d'additivité des vitesses formulée par Galilée et utilisée pendant 400 ans, serait elle fausse ? Cette observation choquante est longtemps restée un mystère total jusqu'à ce qu'en 1905, un jeune homme de 26 ans, employé au Bureau des brevets de Berne, publie en l'espace de six mois trois articles fondamentaux qui vont révolutionner la science.

*Remarque: depuis 1983, le mètre est justement défini par rapport à la vitesse de la lumière, considérée comme absolument constante.

8) Second entracte : La course éthérée du photon

Au tout début du 20e siècle, après des siècles de batailles, il était généralement admis que la lumière était un phénomène ondulatoire plutôt qu'une particule. La plupart des scientifiques pensaient que, comme le son dans l'air ou les ronds dans l'eau, la lumière avait besoin d'un support fluide pour se propager. Ce fluide, appelé éther, devait remplir tout l'espace de façon à propager l'onde lumineuse. A la fin du 19e siècle, les expériences s'étaient multipliées pour prouver l'existence de l'éther. L'une d'elle, mise au point par Michelson en 1880, proposait de mesurer grâce à un interféromètre, l'effet du vent d'éther logiquement causé par le déplacement de la Terre autour du Soleil. Cette idée est loin d'être saugrenue: lorsque l'on se déplace en voiture, on ressent bien l'effet de résistance de l'air, comme un vent dirigé contre nous. Il suffit d'imaginer la Terre comme une voiture décapotable cosmique et de remplacer l'air par l'éther ! Si ce fluide existait, on s'attendait à ce que, en mesurant le temps que met la lumière pour parcourir une certaine distance dans le sens du vent (dans le sens opposé au mouvement de la Terre), l'on trouve une valeur légèrement inférieure à celle mesurée quand elle parcourt cette même distance dans le sens opposé à celui du vent.

Le dispositif de Michelson était d'une grande précision et permettait de mesurer des différences minimes mais, à sa grande déception, les résultats ne montrèrent aucune influence du vent d'éther sur la mesure de la vitesse de la lumière. Il publia néanmoins ses résultats et entrepris de construire un nouveau dispositif encore plus précis. Encore une fois, le résultat fut que, pour les deux trajets considérés, la mesure de la vitesse de la lumière était la même. Pour expliquer ce résultat, Fitzgerald proposa que les objets, sous la pression du vent d'éther, subissent une contraction dans le sens de déplacement de sorte que, la lumière se propageant moins vite sur une distance plus courte, sa vitesse reste inchangée. Cela commençait à devenir compliqué et certains, comme le mathématicien Poincaré, suspectaient déjà que cette invariance de la vitesse de la lumière avait une origine plus fondamentale. Nous expliquerons tout cela en détail par la suite!

En 1905, partant du postulat que la lumière se propage dans le vide avec une vitesse constante et finie, Einstein développe sa théorie de la relativité et montre même que la contraction imaginée par Fitzgerald existe bel et bien et affecte tous les objets en mouvement. Et comme Einstein est un génie, il publie également un article (dans lequel il explique l'effet photo-électrique) pour réconcilier les tenants de la nature ondulatoire de la lumière avec ceux qui supportent l'idée qu'elle est une particule. Il fondera ainsi l'autre grande branche de la physique moderne : la physique quantique.

9) La notion de simultanéité 

Einstein aborde ensuite le problème de la définition de la simultanéité. Je reprends ici son exemple du train et de la foudre, en deux parties. Supposons que la foudre frappe en deux points A et B de la voie ferrée de façon simultanée. Quel sens pouvons nous donner à cette phrase ; comment pouvons nous démontrer que ces deux événements se sont effectivement produits de façon simultanée?

Dans un premier temps, nous pourrions avoir l'idée de nous tenir le long de la voie, en un point M situé au milieu du segment [AB], avec deux miroirs nous permettant de voir les deux points. Si nous voyons la foudre tomber en A et en B en même temps, alors que nous nous tenons en M, nous dirons que les deux événements sont simultanés. Évidemment, cela suppose que la lumière a parcouru les deux distances à la même vitesse.

Tout observateur situé à équidistance des deux sources de lumière s'accordera à dire que la foudre a frappé en A et en B de façon simultanée. Mais un observateur situé en un point quelconque dans le même référentiel, verra la foudre tomber en un point avant l'autre, du fait de la vitesse finie de la lumière. Dans l'illustration suivante par exemple, Igor 1 verra la foudre s'abattre en A en premier car la lumière devra parcourir moins de distance que celle issue du point B pour arriver jusqu’à lui. A l'inverse, Igor 3 percevra le signal lumineux issu de B en premier, car la lumière issue A devra parcourir davantage de distance pour lui parvenir. Seul Igor 2 sera en mesure de dire "la foudre a frappé la voie en A et en B de façon simultanée".
Supposons maintenant que la foudre frappe toujours en A et en B de façon simultanée. Igor reste posté au point M situé au milieu du segment [AB], d'où il peut observer quand la foudre tombe en A et en B. Introduisons un nouvel observateur, que nous appellerons Grichka. Il est installé à bord d'un TGV qui parcourt la voie ferrée à une vitesse constante et qui constitue un second référentiel. Le train est assez long pour que, lorsque la foudre frappe en A et en B, elle frappe également en deux point A' et B' liés au référentiel du train. Dans ce référentiel, le milieu du segment [A'B'] est noté M'.
Si la foudre a frappé simultanément les points A et B dans le référentiel lié au talus (c'est à dire que leur lumière est parvenue à Igor simultanément au point M), il en est autrement dans le référentiel lié au train.
Toujours en raison de la vitesse finie de la lumière, Grichka verra les signaux lumineux se croiser alors qu'il ne se trouve pas au milieu du train. Comme il se déplace vers le point B, il verra le signal lumineux issu de ce point avant celui issu du point A. Autrement dit, dans le référentiel du train, les deux événements ne seront pas simultanés.
Des événements qui sont simultanés dans un référentiel ne sont donc pas simultanés dans un autre ! En fait, chaque corps de référence a son temps propre; une indication de temps n'a de sens que si l'on indique le corps de référence auquel elle se rapporte.

Je remercie ici Pierre-Chanel GauthierXochipilli et Ethaniel

à suivre :)       

La permanence du temps, S.Dali

20 commentaires:

  1. L'invariance de la vitesse de la lumière est effectivement la raison grâce à laquelle Einstein a découvert les lois de la relativité restreinte. Mais on n'est pas obligé de recourir à une hypothèse aussi étrange pour qui n'a pas fait l'expérience de Michelson. JM Lévy Leblond a montré qu'il suffit en fait de postuler trois petits principes qui n'ont l'air de rien:
    1) les lois de la physique sont les mêmes dans tous les référentiels galiléens (en translation uniforme les uns par rapport aux autres);
    2) l’espace est homogène et isotrope;
    3) Plus original: on est capable de synchroniser toutes les horloges d’un même référentiel.

    Avec ces trois petites hypothèses très simples, on trouve qu'outre la loi de composition des vitesses "classique", il existe une autre loi de composition où -tiens tiens!- apparaît justement une vitesse limite. De là à se dire que cette vitesse limite est celle de la lumière, il n'y a qu'un pas à faire!
    (la démonstration est ici, d'un niveau de terminale, pas plus...)

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  2. Bigrement intéressant! Je regarderai en détail demain (car passé 22h, je suis d'un niveau bepc, pas plus). C'est effectivement une démonstration belle et simple. Je ne manquerai pas de la mentionner dans un prochain épisode! Merci pour la découverte :)

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  3. Bonjour,
    Concernant l'exemple du train et des deux lampes, je ne vois pas en quoi cela montre quoi que ce soit : que le train soit en mouvement ou à l’arrêt ce qui compte c'est sa position au moment où les rayons de lumière l'atteigne. Dans votre exemple le train n'est plus en M lorsque les rayons le touche, l'expérience est donc biaisée, on aurait eu le même résultat avec un train à l’arrêt et décalé par rapport à M.

    Les exemples ne manquant pas pour décrire se phénomène, je vous conseil d'en changer.

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  4. Bonjour,
    j'essaie de suivre le fil du livre dont je reprends la plupart des exemples. On pourrait effectivement dire que, en dehors des observateurs situés à équidistance des deux points, tous les autres n'observeront pas la simultanéité, alors même qu'on peut considérer qu'ils sont dans le même référentiel. Mais le but ici est d'introduire l'idée que la vitesse du train par rapport au talus induit aussi ce décalage. Je devrais probablement insister sur le fait que, lorsque les lampes s'allument, le train et l'observateur partagent la même position. Quoiqu'il en soit, je vais essayer de clarifier tout ça et, si cela est cohérent avec le reste, j'ajouterai volontiers les exemples que vous pourrez me fournir.

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  5. Je comprend ce que vous vouliez dire par votre exemple mais il manque en fait le fait de montrer deux interprétations contradictoires selon le référentiel. Le même exemple expliqué ici : http://florenaud.free.fr/Simultaneite.php

    On voit alors bien que le problème vient du changement de référentiel (simultanéité sur la voie mais non-simultanéité dans le train).
    Dans ce deuxième exemple les observateurs occupent alors bien la même place.

    Le reste de votre explication est bien claire à ce propos justement. En tous cas je vous félicite pour votre démarche.
    Bonne continuation, j'ai hâte de lire la suite.

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  6. D'accord, je suis passé sur cela un peu vite, je complèterai ce soir! Merci pour votre remarque et vos encouragements :)

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  7. @ Xochipilli: je viens de relire la petite démonstration plus attentivement. Effectivement, pas besoin de vitesse de la lumière pour voir une vitesse limite émerger naturellement des équations. Je ne manquerai pas d'en parler! Mais cela suppose quand même l'effort intellectuel d'imaginer que le temps est une propriété propre au référentiel et linéairement lié à l'espace. N'est pas Poincaré qui veut! Bref, merci Xochipilli!

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  8. Je m’étonne moi aussi de l’exemple donné à propos du train et des deux lampes, son intérêt étant quasi-nul :
    1/ si le train passe au point équidistant M à l’instant de l’allumage des lampes, la non-simultanéité perçue par le train (ou plus exactement le fait de ne pas voir les lumières à l’instant du passage en M) ne prouve qu’une seule et unique chose : la finitude de la vitesse de la lumière, fait déjà démontré par Rømer dès 1676 ;
    2/ si le train passe au point équidistant M à l’instant de la rencontre des faisceaux lumineux, le train observera la simultanéité, quelle que soit sa vitesse.
    Il y a pourtant bien, dans les présentations habituelles de la relativité, une expérience de pensée avec un train et deux sources lumineuses allumées « simultanément », sauf que ces sources sont fixées au train, donc en mouvement par rapport à l’observateur du quai, et le point équidistant est également fixé dans le train (logique) : vu du quai, les faisceaux lumineux ne se rencontreront pas au point équidistant, alors que vu du train, si.
    Je suppose que ça sera dans la prochaine partie ;).

    Autre point : « En 1905, Einstein montrera que l'éther n'existe pas et que la lumière se propage dans le vide, toujours à la même vitesse. »
    Non, Einstein n’a pas du tout *montré* la constance de la vitesse de la lumière, il a bien au contraire *supposé* cette constance observée par Michelson-Morley : c’est un axiome et non un résultat.
    La constance de la vitesse de la lumière porte d’ailleurs un nom fort évocateur : le « second postulat d’Einstein » (le premier postulat étant simplement la relativité galiléenne).
    En outre, comme l’a déjà écrit Xochipilli, ce second postulat sorti du chapeau peut être avantageusement remplacé par deux postulats infiniment plus simples et naturels, numérotés 2 et 3 dans son commentaire (le 1 étant là encore le premier postulat dû à Galilée).

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  9. Je vais refaire cette partie qui n'est visiblement pas satisfaisante! Je suis d'accord sur tout, peut-être devrais je moins coller au développement engagé dans le livre. Pour ce qui est de la vitesse de la lumière, c'est moi qui ai écrit n'importe quoi! Je vais de ce pas corriger selon vos remarques!

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  10. J'ai essayé d'améliorer tout ça. Je serai plus attentif la prochaine fois!

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  11. Ah oui, là c’est mieux =) !
    Bon, je suis encore un peu chiffonné dans la mesure où il n’est pas tenu compte, dans le référentiel du train, de la non-additivité de la vitesse de la lumière avec celle du train, donc, si si, Grichka (avec un « c » ^^) verra les signaux lumineux se croiser alors qu’il se trouve au milieu du train.
    Mais je ne te jette pas la pierre, c’est en fait tout le problème d’aborder la RR (ou n’importe quelle théorie) sous l’angle historique : on croise des expérience de pensée plus ou moins confuses voire bancales datant de l’époque de l’émergence de la théorie mais dont les points faibles ne sont consolidés et les détails superflus ne sont ôtés que des années voire des décennies plus tard.
    Sur le moment, on a insisté sur des points qui se sont finalement révélés de peu d’importance, tandis que des points vraiment importants ont longtemps été négligés ; mais bon, c’est normal, c’est comme ça que ça fonctionne ;).
    En l’occurrence, l’expérience de pensée du train telle qu’énoncée par Einstein pose problème dans la mesure où elle fait intervenir la « vitesse de la lumière dans un seul sens » (http://en.wikipedia.org/wiki/One-way_speed_of_light) alors que la seule vitesse physiquement mesurable est la vitesse sur un aller-retour (ce qui est d’ailleurs précisément la principale difficulté à la mise en œuvre pratique du 3e postulat cité par Xochipilli : la capacité à synchroniser les horloges d’un référentiel, que l’on doit donc prendre comme postulat).
    En fait, alors qu’Einstein voulait insister grâce à cette expérience de pensée sur la simultanéité/non-simultanéité, ce point s’est révélé être secondaire, le point important mis en lumière étant finalement la différence one-way speed/two-way speed.
    Sachant que le but du paragraphe 9 est d’arriver au fait que « chaque corps de référence a son temps propre » (en fait montré par l’expérience de pensée de la montre à photon, mais passons), je pense qu’on peut le laisser tel quel malgré les faiblesses inhérentes au matériau d’origine.
    Bref : laaa suite ! laaa suite ;) !

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  12. Damned, c'est vrai, je trouve même que ce point n'apporte pas grand chose.. Proposition sérieuse: on écrit la suite à plusieurs?

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  13. La proposition est tentante, mais n’ayant pas ce bouquin à disposition (« Dans cet article construit en épisodes, je reprendrai les explications et le contenu de ce livre »), je risque malheureusement, comme je l’ai déjà fait plus haut, de sur-corriger en apportant des raccourcis anachroniques au matériau d’origine et de rendre les choses plus confuses…

    L’article est exact malgré ce que j’ai dit : il zappe juste la partie « paradoxe » impliquée par l’invariance de c et va directement à la première conclusion (d’où mon « chiffonnage »), alors que mon commentaire est erroné dans la mesure où il s’arrête à la partie « paradoxe » sans le résoudre (enfin si, il va même implicitement directement à la seconde conclusion… mais en utilisant des notions non encore introduites, bouh pas bien).
    Il y a donc peut-être 2–3 phrases à ajouter au paragraphe 9 pour faire le lien avec les paragraphes 7 et 8 (je vais y réfléchir), mais à part ça, il est très bien comme ça (sauf le « c » de Grichka :p).
    Et même s’il n’apporte pas grand-chose pour la théorie, il apporte cependant une pierre importante pour la vulgarisation en préparant l’esprit du lecteur à accepter ce qui va suivre (la dilatation du temps).

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  14. Vrai, mais je pourrais quand même t'envoyer le brouillon pour relecture et/ou correction?
    Et j'ai rendu son c à Grichka ;)

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  15. Pas de souci pour relire ^^.

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  16. La théorie de la relativité est complètement erronée, car elle est basée sur la forme incorrecte de la transformation (Lorenz): ils ont perdu un multiplicateur d'échelle caractérisant l'effet Doppler. Lorentz a d'abord considéré un type plus général de transformations( avec un multiplicateur d'échelle), mais lui, ainsi que Poincaré et Einstein, l'ont assimilé à 1 sans raison valable. Les formules sont devenues erronées, ce qui a conduit à des paradoxes logiques insolubles. Pour plus de détails, voir mon "Mémoire sur la théorie de la relativité et la théorie unique du champ" (2000).
    http://vixra.org/abs/1802.0136

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  17. J'ai tout compris ceux la dernière ligne de l'exposé. Pourquoi cette non simultanéité indique que chaque référentiel a son temps propre

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