En deux siècles, les avancées scientifiques ont bouleversé notre vision de l’intelligence animale. Loin d’être les animaux-machines décrits par Descartes, les animaux font preuve de comportements parfois très complexes et possèdent des capacités cognitives longtemps considérées comme le propre de l’Homme : la conscience, la culture ou la faculté à ressentir des émotions. Que savons-nous aujourd'hui de l'intelligence animale ? Quelles formes prend la cognition animale et comment est-elle étudiée ? Quelles sont les implications pour l’Homme et son rapport aux autres animaux ?
La place des animaux
Au XIXe siècle, Darwin introduit l’idée que les mécanismes de la sélection naturelle affectent également la faculté de raisonnement, la conscience et les émotions (L'expression des émotions chez l'homme et les animaux). Cette idée fait scandale dans l’Angleterre victorienne et conservatrice, car elle remet en cause le caractère unique du statut de l’Homme. Les singes posséderaient ils une conscience, ou pire: une âme ?
Au XXe siècle, Lorenz, précurseur de l’étude des comportements intelligents chez les animaux, abolit par ses théories la frontière entre l’Homme et l’animal. La vidéo ci-dessous illustre sa célèbre théorie de l’imprégnation : les jeunes oies le suivent car, n’ayant vu que lui pendant leurs premiers jours, elles pensent qu’il est leur mère.
Sur la base de ce principe d'imprégnation, on peut voir, dans le film Jurassic Park, le directeur J.Hammond insister pour être présent à chaque éclosion d’œuf de dinosaure, afin que les petits vélociraptors s’imprègnent de son image.
Deux siècles après la naissance de Darwin, nous savons que les capacités cognitives et physiques ont évolué de concert. La diversité des environnement et des formes de vie a modelé des intelligences adaptées et extrêmement variées. Comprendre et étudier ces intelligences est un défi que la science n'a relevé que très tardivement.
Étudier l’intelligence intelligemment : le défi de l’éthologie cognitive
Comme chez l’Homme, définir l'intelligence chez les animaux n’est pas facile, l’étudier et la mesurer encore moins ! Pour pallier en partie ce problème, les scientifiques préfèrent étudier le « comportement intelligent », plus facilement observable et mesurable. C’est ce qu’on appelle l’éthologie cognitive. Quels critères sont étudiés pour mettre en évidence ces différentes formes d’intelligence ?Une voiture en guise de casse-noix : la créativité chez les animaux
Le chimpanzé à l'âge de pierre, crédits: DLILLC/CORBIS |
Certains oiseaux utilisent d’ailleurs une version simplifiée de cette technique : ils brisent des coquillages en les lâchant dans le vide au dessus d’un rocher. Le dramaturge grec Eschyle aurait été tué par une tortue vivante lâchée par un gypaète barbu, confondant les reflets de son crâne chauve avec ceux d’une roche.
Ces méthodes complexes suggèrent que l’animal comprend un lien de cause à effet, mais ne sont pas forcément le signe d’une grande intelligence. Ces comportements sont en effet généralement innés, ce qui signifie qu’ils sont l’expression d’un programme inscrit dans les gènes. Ce sont avant tout les facultés de création et d’adaptation qui constituent le signe d’une cognition avancée. Confronté à un problème nouveau, l’animal saura t-il faire preuve d’« esprit créatif » ? Peut-il inventer ou adapter une technique ?
A cet égard, les corbeaux de Nouvelle-Calédonie sont parfois plus habiles que les singes : pour dénicher des insectes, ils sont capables de tordre les brindilles de façon méticuleuse et transportent leur outil plutôt que de perdre du temps à en fabriquer un nouveau. Casser une noix n’est pas un problème : ils la posent sur une route et attendent qu’une voiture roule dessus. Ils utilisent même les feux pour savoir quand ils peuvent récupérer la nourriture en toute sécurité ! Regardez cette vidéo extraordinaire :
Au Mexique, des moineaux domestiques ont pris l'habitude de garnir leur nids de mégots de cigarettes, pour luter contre les parasites, sensibles à la nicotine (lire ici). Les dauphins quant à eux, ont trouvé une technique ingénieuse pour se protéger le bec lorsqu’ils fouillent les fonds sableux : ils coincent une éponges de mer sur leur rostre ! Chez les invertébrés, ce sont les pieuvres qui montrent des capacités d'adaptation étonnantes. Elles se servent parfois de coquilles vides comme d’une carapace de protection. Elles savent aussi apprendre à utiliser de nouveaux outils : en laboratoire, l’une d’elle se serait même servie d’un décapsuleur pour ouvrir une bouteille !
Une pieuvre dans son armure de noix de coco | |
Crédits: Roger Steene, Current Biology |
Un dauphin avec son éponge protectrice |
L1 verrouille L2 qui verrouille lui même L3. Il doit les défaire dans l'ordre pour obtenir sa récompense. Non seulement il y parvient, mais lorsque l'on désactive un des verrous, de sorte que seule la dernière étape est nécessaire, il le comprend et ne s’embarrasse pas à débloquer les deux premiers !
Tenir un garde-manger ou retrouver son chemin : l’importance de la mémoire
Les geais buissonnier cachent de la nourriture pour un usage ultérieur. Crédits : Ingrid Taylar |
Les animaux possèdent tous une capacité de mémorisation, si sommaire soit elle. Elle joue un rôle essentiel dans l’apprentissage et le développement de comportements intelligents. La mémoire spatiale et temporelle permet aux animaux de se souvenir des endroits où ils sont susceptibles de trouver de la nourriture ou de se rappeler comment rentrer chez eux. Elle permet même au geai buissonnier de cacher des aliments et de les retrouver avant qu’ils ne pourrissent.
Pour étudier la mémoire des animaux, les chercheurs utilisent des protocoles transférables d’une espèce à l’autre. Le test le plus courant consiste à entraîner l’animal à se souvenir d’une liste ordonnée (de formes, de couleurs ou d’images) de plus en plus longue. Les performances, qui varient énormément d’une espèce à l’autre, sont une bonne indication du « degré d’intelligence ». Les pigeons et des babouins peuvent ainsi mémoriser des milliers d'images pendant une durée estimée à un an. Quant aux éléphants, leur mémoire proverbiale n’est pas un mythe : ils se souviennent des visages, des endroits visités ou des odeurs pratiquement toute leur vie.
De la danse des abeilles au langage des signes : la communication chez les animaux
La communication est à la fois une nécessité et un moteur pour le développement de la cognition. Les animaux se servent de toutes sortes de signaux (visuels, sonores, chimiques etc.) et ont développé des systèmes de communication parfois très performants. Mais généralement, ces systèmes sont entièrement codés dans les gènes et sont loin de constituer un langage. Les abeilles par exemple, communiquent certaines informations en effectuant des « danses ».En revanche, certains animaux singes, oiseaux et cétacés possèdent bel et bien un langage spécifique. Ce sont d’ailleurs les seuls à parvenir à apprendre un autre langage dont les éléments renvoient à des éléments concrets ou abstraits et à communiquer avec les humains. Très récemment, on a découvert qu’un béluga avait tenté de communiquer dans un bassin avec les plongeurs en imitant la voix humaine. En mars 2013, une étude a démontrée que certains dauphins possédait une particularité pour l'instant unique dans le monde animal : celle à s'appeler par leur nom ! Ils sont capables de se souvenir de ces noms pendant vingt ans au moins, et probablement tout leur vie. Les exemples de tentative de communication ne manquent pas, mais il est rare que l'animal soit capable d’imiter le son de la voix.
Au-delà cette capacité à comprendre un nouveau langage, c’est la capacité à se l'approprier pour créer des phrases nouvelles qui met en évidence une cognition avancée. Le bonobo surdoué Kanzi comprend 3000 mots parlés et environ 350 symboles écrits, dont il se sert pour s'exprimer.
Les lexigrammes (des symboles écrits) comme ceux utilisés par S.Savage-Rumbaugh pour dialoguer avec le bonobo Kanzi |
Trier sa nourriture ou s’y connaître en peinture : la capacité à catégoriser
Pour utiliser un langage évolué constitué de symboles abstraits, un animal doit pouvoir regrouper des objets au sein d’une même catégorie et appliquer des critères de ressemblance ou de discrimination. Cette capacité de catégorisation, qui demande un haut niveau d'abstraction, est présente chez le dauphin, le bonobo ou le perroquet mais aussi chez certains animaux qui ne maîtrisent pas le langage. Les pigeons par exemple, sont capables (après un long entraînement) de différencier des images selon qu’elles contiennent ou non un élément précis. Ils parviennent même à différencier des peintures de Monet, Van Gogh et Picasso !Certains animaux sont en outre capables de dénombrer les objets. En chine par exemple, les pêcheurs entraînent des cormorans à pêcher pour eux. En récompense, les cormorans sont autorisés à manger un poisson sur huit. Après sept poissons, si les pêcheurs ne les récompensent pas, ils refusent de pêcher.
Ces capacités cognitives parfois étonnantes sont loin d’être les seules manifestations de l’intelligence animale. Les scientifiques ont mis en évidence des comportements qui perturbent encore davantage notre vision parfois archaïque de l’intelligence animale.
L’Homme, un animal comme les autres ?
Au fil des découvertes en éthologie cognitive, l’homme a graduellement perdu les capacités qu'on lui croyait propres. La culture, les émotions ou même la conscience sont développées à des degrés tels que la frontière entre l'Homme et l'Animal apparaît ténue et complètement artificielle.Un patrimoine culturel transmis de génération en génération
Les chimpanzés se soignent avec des plantes et transmettent leur savoir. Crédits: R.Crowley, St. Louis Zoo. |
D'autres éléments de culture, comme les jeux ou les conventions sociales sont également transmis de génération en génération. De part leur caractère "non indispensable", ils participent, comme l'art, à définir la culture d'une espèce. Dans la vidéo ci-dessous, on peut voir un dauphin qui s'amuse à faire un anneau d'air dans l'eau et à jouer avec, comme certains s'amusent avec des ronds de fumée.
En Australie, des dauphins ont pris l'habitude d’offrir des cadeaux aux humains des morceaux de choix : anguilles, poulpes, thon, calamar etc. Un acte de sociabilisation ? Ou peut-être l'expression de la piètre estime du dauphin pour nos qualités de pêcheur ?
L’histoire du gorille et du chaton: la palette des émotions des animaux.
Certains
animaux sont capables de comprendre ou d'imaginer ce que d’autres ressentent,
c’est ce qu’on appelle l’empathie. Cette
capacité a été démontrée chez le singe rhésus en réalisant l’expérience
suivante : le sujet est entraîné à devoir actionner un mécanisme pour se
procurer de la nourriture. Mais ce mécanisme produit également un choc
électrique douloureux sur un congénère. Dès qu'il s'en aperçoit, le premier
singe arrête de s'alimenter, pouvant rester à jeun pendant pratiquement deux
semaines! Les singes sont également capables de communiquer leurs émotions: Sarah, un
jeune chimpanzé femelle, expliqua à son gardien que son compagnon décédé lui
manquait.
L’histoire du gorille Koko est encore plus émouvante et
montre que les grands singes sont capables de réfléchir à la mort.
Koko, un
gorille femelle né en captivité, apprit à utiliser un langage de signes
composé d’un millier de mots. Elle informa un jour son professeur, le docteur Patterson, qu'elle voulait un chat pour son
anniversaire (en imitant les moustaches avec ses deux doigts sur ses joues). Koko
se vit offrir un petit
chaton qu’elle baptisa "All Ball". Elle nourrissait une grande
affection envers lui et essayait même de lui parler. Malheureusement, quelques temps après, All Ball fut
écrasé par une voiture. Quand Koko l’apprit, elle se mit à pleurer. Lorsqu'on
mentionnait le chaton, elle répondait "triste/ sourcils froncés" et
"sommeil/ chat". Voici des extraits du dialogue entre Koko et Patterson:
-Où vont les gorilles quand ils meurent?
-Confortable/ trou/ au revoir
-Quand est-ce que les gorilles meurent?
-Ennuis/ vieux
-Quand les gorilles meurent, sont-ils heureux, tristes, effrayés?
-Sommeil"
Dans la vidéo ci-dessous (c'est triste, je préviens), on peut voir Koko réagir à la mort de son chaton. Heureusement, on lui a offert un nouveau chaton depuis.
Nous savons aussi aujourd'hui que les animaux ressentent des émotions et qu'ils peuvent aussi souffrir psychologiquement : stress, tristesse, dépression ou même psychose. Dans le documentaire "Blackfish", les Hommes cherchent à comprendre comment un orque a pu devenir un "serial killer". De sa capture, dans des conditions horribles, à sa détention dans les piscines minuscules des parcs aquatiques, le film retrace sa triste vie, jalonnée de drames et d'homicides.
Théorie de l’esprit, mensonge et vidéo
L’étape
suivante dans la cognition animale consiste à être capable d’attribuer un état
mental à un autre animal. C’est ce qu’on appelle la théorie de l’esprit. Elle
permet à quelques rares animaux d’adapter leurs comportements en fonction des
pensées qu’ils prêtent à autre animal. Certains sont même capables de
mentir ! C’est ce qui fut observé avec le singe Kanzi : sa maîtresse
lui offrit une clé de son enclos avant de le laisser seul. Il dissimula alors
la clé. Lorsque la chercheuse demanda à la voir, Kanzi fit mine de l’avoir
perdue. Tous les deux se mirent à la chercher, sans résultat. De nouveau seul,
le singe sortit la clé de se cachette et s’en servit pour sortir de son enclos.
Bien sûr, Kanzi ignorait qu’il était filmé ! Dans cette vidéo, on peut voir comment il réagit à de nouvelles phrases (son interlocutrice porte un masque pour ne pas biaiser l'expérience).
Une autre histoire d'évasion a récemment été rapportée par Eugene Linden dans Time Magazine. En voici un résumé : Par une journée ensoleillée de 1968, au Omaha Zoo, l'orang-outan Fu Manchu et sa petite famille passaient un peu de bon temps dans leur enclos extérieur. Peu de temps après, les gardiens du Zoo les retrouvèrent dans des arbres près de l'enclos de l'éléphant. Ils en conclurent que l'un deux avait du oublier de fermer une porte. Ils s’aperçurent plus tard que la porte reliant la chaufferie à l'enclos était ouverte, ce qui leur valut un savon de la part du chef Jerry Stones. Mais quelques temps après, alors que le temps était de nouveau au beau fixe, Fu Manchu parvint encore à s'échapper. Les gardiens commençaient à craindre de perdre leur place. Une autre fois, toujours par beau temps, les gardiens prirent finalement Fu Manchu en flagrant délit : le singe était descendu par un conduit de ventilation jusqu'à une fosse. Là, il avait saisi le bas de la porte et avait tiré dessus jusqu'à ce qu'il puisse glisser un fil de fer par l’entrebâillement et lever le loquet. Le jour suivant, Stones remarqua quelque chose de brillant qui pointait hors de la bouche du singe. C'était le fil de fer qu'il avait utilisé pour activer le loquet et qu'il tenait là soigneusement caché depuis le début.
Cette habilité à mentir est également observée chez certains corvidés dans la nature. Le biologiste Bernd Heinrich rapporte cette scène remarquable : un corbeau poursuivi par ses semblables parce qu’il tenait dans son bec un biscuit, fit semblant de le cacher dans l’herbe. Un des ses poursuivants se précipita sur la cachette pour s’en emparer. Lorsqu’il comprit enfin qu’il avait été berné, il était trop tard.
Cette habilité à mentir est également observée chez certains corvidés dans la nature. Le biologiste Bernd Heinrich rapporte cette scène remarquable : un corbeau poursuivi par ses semblables parce qu’il tenait dans son bec un biscuit, fit semblant de le cacher dans l’herbe. Un des ses poursuivants se précipita sur la cachette pour s’en emparer. Lorsqu’il comprit enfin qu’il avait été berné, il était trop tard.
L'empathie et la morale
Les animaux capables d'empathie et d'imaginer ce que ressentent d'autres animaux développent parfois ce que nous pourrions appeler un sens moral, qui se manifeste par des réactions marquées face à des situations injustes. Dans la vidéo ci-dessous par exemple, on voit un capucin montrer son vif mécontentement après que sa tâche a été payé avec un morceau de concombre alors que son comparse a reçu un savoureux raisin.
Cette expérience montre que le capucin lésé s'indigne d'une différence de traitement. Pour autant, le capucin qui reçoit les raisins ne semble pas se soucier de l'inégalité des rétributions. Cette réaction légitime est observée chez de nombreux autres animaux, qui refusent par exemple d'accomplir une tâche gratuitement s'ils voient un de leurs congénères récompensé pour le même travail. Le cas inverse, beaucoup plus rare, a néanmoins été rapporté chez les chimpanzés. Dans une expérience, certains individus refusaient une récompense au motif qu'elle était supérieure à celle octroyée à leurs compagnons.
Une autre expérience, menée chez le capucin à houppe noire, a permis de montrer que ce dernier préfère les individus enclins au partage. Dans l'étude, une personne demandait une autre de l'aider à ouvrir un bocal qui contenait un jouet. La personne sollicitée pouvait soit accepter, soit refuser. Ensuite, les capucins, qui avaient assisté à la scène, se voyaient offrir de la nourriture par la personne de leur choix. Lorsque l'aide avait été accordée, les capucins n'avaient pas de préférence. En revanche, lorsque l'aide n'avait pas été accordée, les capucins sollicitaient systématiquement la personne qui avait demandé de l'aide, et non celle qui avait "égoïstement" refusé son aide. Subtilité supplémentaire : parfois, les expérimentateurs refusaient d'aider la personne qui tentait d'ouvrir le bocal en montrant qu'ils étaient déjà aux prises avec leur propre bocal. Dans ce cas, les singes ne leur en tenaient pas rigueur. D'autres expériences sont nécessaires pour savoir si les motivations du capucin ne sont pas autres mais il est sympathique de penser qu'ils pénalisent tout simplement l’égoïsme !
De l’autre coté du miroir : l’émergence de la conscience
L'éléphant Happy du zoo du Bronx, vu par C.Larsen |
Une des
étapes les plus importantes dans le développement de la cognition animale est
l’émergence, chez certaines espèces, d’une forme de conscience. Pour vérifier
si un animal a conscience de son corps, les scientifiques pratiquent le test
du miroir : ils peignent une marque sur l’animal à un endroit qu’il ne
peut pas observer directement (sur le front le plus souvent). L’animal est alors
placé seul devant un miroir et on observe ses réactions. Si l’animal essaie
d’attaquer son reflet ou le fuit, c'est qu'il ne comprend pas qu’il regarde son
reflet. En revanche, s’il est intrigué ou touche la marque de peinture avec
insistance, c'est signe qu'il se reconnaît et qu'il a certaine conscience de lui-même. Voilà ce que cela donne avec une pie :
"même pour les humains il semble qu’il y ait de fortes variations d’une culture à l’autre.
Le seuil de 18-24 mois est valable pour les cultures occidentales, où
les miroirs sont omniprésents, mais un petit fidjien ou un petit kenyan
peux attendre jusqu’à 6 ans avant de se reconnaître, ça n’est pas
pour autant qu’ils n’ont pas conscience d’eux mêmes !".
L’Homme, ce grand singe !
Nous sommes longtemps restés persuadés
qu’il existait un abîme infranchissable entre notre intellect et celui des grands
singes. Et pourtant, nous partageons avec eux plus de 99% de notre patrimoine
génétique. Si nous somme proches d’eux physiquement, ne pourrions nous pas l’être intellectuellement? Les scientifiques ont montré qu’à de nombreux niveaux, nos
capacités sont comparables aux leurs. Il semblerait même que, jusqu’à
environ 6 mois, certaines aptitudes, notamment celles basées sur la vue, soient
plus développées chez les primates que chez l’Homme : ils comptent plus
rapidement, ont une meilleure mémoire des formes et des couleurs et
appréhendent l’espace et les objets plus facilement. Un primatologue japonais,
a même montré que les performances d’un singe à un test de mémorisation rapide
étaient largement supérieures à celles d’un groupe d’étudiants! Idem lorsqu'il s'agit de classer, dans l'ordre, des chiffres qui s'affichent de façon aléatoire sur un écran :
De quoi obliger l'Homme à ravaler son ego et ses idées philosophiques préconçues.. Reste qu'il est le seul animal suffisamment intelligent pour étudier les autres. Très récemment, une équipe de chercheurs (lire ici) a mis en évidence un "gène du cerveau", qui serait spécifique à l'Homme et qui pourrait peut-être expliquer sa longueur d'avance dans le domaine cognitif, notamment au niveau du développement du langage.
Il semble donc que, dans le domaine de la
cognition au moins, nous ayons encore beaucoup à apprendre des animaux, et de
nous-mêmes! Les études en éthologie cognitive ont non seulement radicalement changé notre vision de
l’intelligence animale mais ont aussi permis de jeter un jour nouveau sur le
développement des processus cognitifs chez l’Homme. Aujourd’hui, le clivage entre l'Homme et les grands singes par exemple, apparaît bien moins marqué. Beaucoup considèrent que l’intelligence est représentée à
des degrés extrêmement variés dans le règne animal, formant un spectre quasi
continu dont l’Homme occupe une des extrémités. A mon sens, cette vision est encore trop réductrice, l'intelligence ressemble davantage à un territoire, une carte géographique dont nous occupons sûrement un des hauts-lieux.
Pour en savoir plus:
- sur l'évolution: L'Expression des émotions chez l'homme et les
animaux, C.Darwin
- sur l'émergence de la conscience: "Les émotions primordiales et l’éveil de la conscience", Derek Denton
- sur l'intelligence animale: le documentaire "Inside
Animal Minds" d'A.Kacelnik,
National Geographic, mars 2008
- sur l'empathie: L'Age de l'empathie, Frans De Waal
- sur les corvidés: Crows as Clever as Great Apes, Study Says, James Owen, National
Geographic, Décembre 2004 et L’intelligence des
corvidés, Masson, Richard, Panneton,
Radio-Canada
- sur les abeilles: The Biology of the Honey Bee, V.
Frisch & Mark L. Winston, 1967
- sur Noc, le beluga qui parlait aux humains: Spontaneous human speech mimicry by a
cetacean, Ridgway et al. Current Biology, 2012
- sur les pigeons amateurs d'art: Pigeons' discrimination of paintings by Monet and
Picasso, Watanabe et al. Journal of the
experimental Analysis of Behavior, 1995
- sur les talents arithmétiques des cormorans: Flying fishes of Wucheng - fisherman in China
use cormorants to catch fish, Hoh, Erling, Natural History,Octobre, 1988
- sur l'empathie chez les singes rhésus:Masserman et al, 1964
- sur les cultures animales: Y a-t-il des «cultures» animales? Louis-Gilles Francoeur, Le devoir.com, 2008
- sur Koko, les émotions et les consciences animales: The Souls
of Animals, Gary Kowalski, 2007
- sur Kanzi, le bonobo surdoué: Kanzi: The Ape at the Brink of the Human Mind. Savage-Rumbaugh, S., Lewin, R., 1994
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