Comme je passe 98,7% de mon temps sur internet*, je réserve mes lectures annuelles à la courte période de mes vacances estivales. Et cette année, le premier bouquin à passer sous mes ongles est un roman insipide, atrocement écrit et vraisemblablement traduit par Franck Ribéry : Le secret du mari, prétendument écrit par une auteure australienne, mais probablement rédigée par un koala alcoolique pour régler ses dettes de jeu. Après trois pages, j'ai pris rendez-vous pour porter plainte contre l'éditeur et je suis passé directement à un titre bien plus prometteur : Le tourbillon des particules, de Marco Zito (le mec pourrait donner son nom à une particule !), qui m'avait été offert par la boutique Science et Vie. Et vous êtes vernis, c'est ce second livre dont je vais parler aujourd'hui, avec en bonus une interview exclusive et un petit concours pour remporter le livre. * sondage IPSOS - Crème de marron Clément Faugier - Cadbury Fruit and nut
Un petit billet pour entamer l'automne, histoire de présenter quelques papillons photographiés l'année dernière en Malaisie. Je précise tout de suite et un peu honteusement que la moitié des photographies ont été prises dans le butterfly farm des Cameron Highlands (oui, c'est un nom écossais), bien plus agréable et deux fois moins cher que celui de Kuala Lumpur. Ça se voit un peu d'ailleurs, parce que leurs ailes sont souvent abîmées... Heureusement, j'ai aussi réussi à prendre quelques photos en pleine nature aussi. Ce sont surtout des papillons mâles si j'ai bien retiendu la leçon, et, c'est bon à savoir, l'un des plus beaux papillons malaisiens (détail d'une aile ci-dessous) est également l'un des plus communs. Je ne suis pas certain de les avoir tous identifiés correctement, les précisons et les corrections sont les bienvenues.
Je profite d'une fin d'après-midi nuageuse pour faire un peu de ménage dans les dossiers d'images empilés sur mon bureau d'ordi. Et il s'avère que mes heures perdues sur internet ont encore payé : j'ai rassemblé de quoi concocter un nouvel épisode de cette splendide série consacrée aux blagues nerdy, geek et scientifiques. Bon, certaines n'ont qu'une lointaine connexion avec la science, mais ce n'est pas de ma faute si les animaux sont si mignons, les religieux et les complotistes si risibles et les Bogdanov si protubérants. S'agissant d'images glanées par-ci par là, je n'ai indiqué ni source ni crédit ; internet est une vrai jungle. Enfin, j'aimerais rappeler que cette série est inspirée par la chaîne de billets initiée par Rock’N Science. Bonne lecture :)
Un millimètre au garrot environ, six pattes et deux antennes Pseudomyrmex ferruginea pourrait être une espèce de fourmi comme les autres, ce qui n'est déjà pas si mal. Mais cette fourmi d'Amérique Centrale a une particularité extraordinaire : elle nourrit une relation symbiotique avec l'arbre qui lui sert de refuge ; l'acacia corne-de-bœuf. Ce dernier tient son sobriquet des paires d'épines légèrement recourbées qui se forment sous les feuilles, et qui ressemblent, c'est le moins qu'on puisse dire, à des cornes de bovidés élancées :
Les cornes de l'acacia cornigera
L'acacia cornigera est un bien bel arbre, mais contrairement à d'autres acacias, ses feuilles contiennent très peu d'alcaloïdes, des molécules qui dissuadent les prédateurs de mâcher les feuilles en leur conférant un goût amer (il faut croire que des épines, ce n'est pas assez). L'arbre a donc dû se débrouiller autrement pour organiser la défense de son patrimoine : il sous-traite la sécurité. Ces cornes sont creuses et émettent un doux parfum qui attire les fourmis P. ferruginea, en particulier les reines nouvellement fécondées. Celles-ci finissent donc souvent leur périple orgiaque sur une branche d’acacia. Après l'état des lieux, elles s'installent confortablement dans cette cavité providentielle et grignotent une partie de l'intérieur, pour y pondre entre 15 et 20 œufs qui donneront naissance à la première génération d'ouvrières. Au fil des naissances, la colonie s'agrandit et squatte progressivement la plupart des épines. Les choses deviennent intéressantes dans une seconde phase, quand la colonie atteint environ 400 individus.
Pseudomyrmex ferruginea sur une corne d’acacia. Crédits : Alexander Wild
Les ouvrières se reconvertissent alors en agents de sécurité impitoyables : elles parcourent l'arbre en repérant toutes les petites bestioles nuisibles. A la moindre alerte, elles émettent une phéromone qui déclenche le branle-bas de combat. Appuyées par les renforts, elles fondent sur les menaces identifiées. Les plus petites, comme les fourmis coupe-feuilles, sont purement et simplement taillées en pièces, et les plus grosses, comme les chèvres voraces, sont effarouchées à coup de piqûres sur la langue. Il parait que grâce à ce traitement, bon nombre d'animaux ont appris à se tenir éloigner de ces arbres maudits. Et ça ne s'arrête pas là : les fourmis éliminent aussi les plantes parasites comme certains lierres, et nettoient la base de l'arbre de tout noyau ou graine susceptible de germer et de rentrer en compétition avec l'acacia. Tout ça en échange du gite ? Pas seulement : l'acacia sert aussi le couvert ! Il produit en effet de petites excroissances, appelées corps beltiens, riches en lipides et en protéines, qui n'ont d'autre fonction connue que de faire le bonheur des fourmis.
Pseudomyrmex ferruginea en train de dévorer les corps beltiens de l'acacia à cornes. Crédits : Alexander Wild
Last but not least : le dessert. L'acacia sécrète en effet un nectar sucré, produit au niveau des bien nommées nectaires, qui fournit aux fourmis le sucre dont elles ont besoin.
La spirale de la mort
Des fourmis engagées dans une spirale de la mort
Le phénomène de la spirale de la mort est probablement connu depuis des millénaires, mais c'est le naturaliste américain William Beebe (une multitude de blagues se bousculent dans ma tête) qui en fit la première description "scientifique" en 1921 : il observa des milliers de fourmis légionnaires - qui sont aveugles - tournant en rond, décrivant un cercle de 365 mètres de circonférence (365 ! Coïncidence ? Je ne pense pas). Les fourmis mettaient deux heures et demie à le parcourir, et ne semblaient pas poursuivre un but précis. En fait, chaque fourmi suivait la piste de phéromones laissée par la fourmi précédente. Comment en étaient-elles arrivées là ? Mystère. Toujours est-il qu'elles poursuivirent leur course insensée jusqu'à mourir d'épuisement.
En 1936, un autre biologiste, T.C Schneirla observa le même phénomène et en fit un article huit ants plus tard. A croire que lui aussi fit l'expérience de la spirale infernale.
Depuis, le phénomène a été étudié et reproduit en laboratoire, et des phénomènes similaires ont été observées chez certaines chenilles processionnaires ou certaines espèces de poissons. Mais on ne sait pas encore exactement ce qui, en milieu naturel, provoque la formation du cercle : comment une piste se referme t- elle sur elle-même ? Il est possible qu'une seule fourmi soit à l'origine du phénomène ! Il suffirait par exemple qu'elle se trouve éloignée, pour n'importe quelle raison, de la piste principale (point A), et qu'au lieu de la rejoindre en allant de l'avant, elle récupère la file en amont (point B) :
Arrivées au point A, les fourmis auront donc le choix de choisir entre deux chemins, et il suffit qu'une faible majorité préfère la piste accidentelle pour qu'elle devienne la piste principale. C'est une sorte de bug dans leur processus d'auto-organisation.
Dr Aphide and Mr Greenfly
Dans l'épisode précédent, le regretté Howard Fourmi Lovecraft avait évoqué le cas monstrueux des fourmis du genre Adetomyrma, qui vampirisent leurs propres larves en suçant leur lymphe. Le cas des pucerons Paracletus cimiciformis est tout ainsi horrible. Ces aphides existent en deux versions génétiquement semblables, mais morphologiquement différentes :
La première, qui ressemble vaguement à un vieux raisin joufflu et pelé, entretient avec les fourmis Tetramorium semilaeveles relations habituelles : elle produit un miellat que les fourmis récoltent. En échange, les fourmis nettoient les pucerons et assurent leur défense. Mais la seconde, une sorte d'olive rabougrie, a décidé de ne pas s'en tenir à cet échange mutuellement bénéfique, en adoptant une forme qui imite la cuticule des larves de fourmis. Ces vicieuses contrefaçons sont transportées au sein même de la colonie par des fourmis qui pensent s'occuper de leurs propres juvéniles. Bien au chaud, et sans éveiller le moindre soupçon, elles percent alors la peau des vraies larves pour sucer leur hémolymphe. L'équivalent myrmicéen du loup dans la bergerie.
Comment deux stratégies aussi différentes peuvent-elles être maintenues dans une population génétiquement semblable ? La réponse tient dans la mise en œuvre d'une stratégie globale : l'été, les pucerons donnent naissance à des rejetons ronds et dodus, qui distribuent du miellat à tout va. Mais quand la bise fut venue, ces hypocrites scélérats donnent naissance à des générations de pucerons oblongues, verts et aplatis, qui duperont les pauvres fourmis. Elles passeront l'hiver bien au chaud et seront en pleine forme pour assurer une nouvelle saison de duplicité.
La fourmi ninja esclavagiste
Temnothorax pilagens, aka la fourmi ninja esclavagiste. Crédit : Joe MacGown
Ah l'esclavagisme, il n'y a que ça de vrai ! D'ailleurs, si vous voulez savoir combien d'esclaves travaillent pour vous aujourd'hui, jetez un œil à cette page. Mais je m'égare. Temnothorax pilagens, une fourmi découverte il y quelques années aux Etats-Unis n'a pas encore établi d'usines à l'autre bout du monde pour fabriquer ses antennes. Alors il lui faut de la main d'œuvre, qu'elle va recruter de force chez les fourmis ses voisines (pilagens signifie "pillard" en latin). Contrairement à d'autres espèces, qui mènent des raids pharaoniques, pilagens justifie son surnom en s'introduisant dans les fourmilières façon Jason Bourne ou Solid Snake. Pour cela, pas de camouflage optique (elle s'infiltre d'ailleurs uniquement chez des espèces anatomiquement proches) mais un mimétisme olfactif, bien plus efficace. En groupe de trois ou quatre, elles s'introduisent incognito dans les nids ciblés. Puis, elles repartent en emportant des larves, voire des fourmis adultes, sans éveiller le moindre soupçon.
Il arrive cependant que la pillarde soit démasquée. Dans ce cas, pas de pitié : la fourmi tentée de sonner l'alarme est froidement éliminée grâce à une attaque ninja ; une piqûre au cou qui provoque une paralysie quasi instantanée, suivie d'une mort rapide.
Le formicage
Des geais se livrent au formicage passif. Crédit : Shari Burnett
It's understood that Hollywood sells califormicatioooon. Le formicage donc, c'est cette pratique un tantinet maso à laquelle s'adonnent certains oiseaux pour, c'est une des hypothèses avancées, se débarrasser de leurs parasites. L'autre hypothèse à ne pas exclure, c'est que les volatiles trouvent du plaisir à se faire ainsi titiller le derme. Il existe deux versions : active et passive. Dans le premier cas, les oiseaux se saisissent d'une ou de plusieurs fourmis ouvrières, et s'en servent comme d'un applicateur désinfectant : les pauvres insectes agressés se défendent comme ils peuvent à coups de jets d'acide formique, ce qui a pour effet de tuer ou de rendre complètement groggy les puces, tiques et autres indésirables bestioles qui squattent le plumage. Dans le deuxième cas, les oiseaux se contentent de s'étaler de tout leur long sur une fourmilière, et de se faire copieusement arroser.
Dans les deux cas, on pourrait penser que les fourmis n'ont pas grand-chose à gagner à se faire brutaliser de la sorte. Surtout qu'elles finissent souvent par se faire manger. Mais ce n'est peut-être pas toujours le cas : on a en effet observé certaines fourmis en train de cueillir gentiment les parasites en question, pour les conduire directement à leurs réserves de nourriture. Pour plus de précisions, notamment sur les comportements de différentes espèces d’oiseau, on peut lire cette discussion sur le forum myrmecofourmis.
Cataglyphis bombycinus a dû tirer la courte paille le jour où les espèces de fourmis se sont partagés les points de chute. Elle habite en plein désert, où la température du sol atteint 85° et le taux d'humidité frôle les 0% en pleine journée. Elle doit aussi composer avec la menace des prédateurs : elle s'arrange pour sortir lorsque les lézards roupillent. Sa tête rouge lui vaut le surnom de "fourmi chrétienne" parmi les Touaregs (rapport à la consommation de vin). Pour survivre dans ces conditions extrêmes, elle a développé plusieurs adaptations particulièrement intéressantes : Une combinaison de poils réfléchissants : disposées en bandes alternées, et semblant soigneusement peignés, ils constituent un bouclier thermique qui fonctionne à deux niveaux : premièrement, ils réfléchissent la lumière visible et une partie des rayons infra-rouges, d'où l'aspect argenté. Ces poils possèdent aussi un pic d'émission dans les infrarouges moyens, ce qui leur permet d'évacuer de la chaleur sous forme de rayonnement.
Les poils de Cataglyphis bombycinus. Crédit: Norman Nan Shi et Nanfang Yu, Columbia Engineering
Ces propriétés sont liées à la structure microscopique des poils : leur section n'est pas circulaire mais triangulaire. Pourquoi triangulaire ? Les mathématiciens seraient peut-être tentés de répondre que c'est parce que c'est la première forme en 2D qui présente les particularités voulues : des faces bien planes - pour réfléchir le rayonnement - et une surface non nulle.
Les poils de la fourmi argentée saharienne. Crédit : Norman Nan Shi et al. Université de Colombia.
Une démarche de sprinteuse : en dehors du nid, elle se déplace comme un vacancier qui s'aventure pieds nus sur un sol brûlant, à la vitesse vertigineuse de 1m/s. Sachant qu'elle mesure moins d'un centimètre, on peut s'amuser à comparer ses performances avec les nôtres : c'est comme si nous courions à 180 m/s, soit 648 km/h. Ses longues pattes lui permettent de minimiser les contacts avec le sol et elle adopte une marche quadrupède, en repliant sa première paire de pattes. Un système de géolocalisation solaire : elle est capable de se guider grâce à la position du Soleil. Durant sa course, elle s'arrête fréquemment pour estimer sa position. On pense qu'elle est capable d'estimer la distance parcourue en "comptant" ses pas. Ainsi, elle peut rentrer directement au nid en ligne droite, sans s'arrêter pour chercher ses tongs. Encore plus étonnant : elle montre les mêmes capacités lorsqu'elle porte ou qu'elle tire une carcasse, alors que la longueur de ses pas et sa vitesse sont alors irrégulières. Des protéines de choc thermiques : ces molécules maintiennent et régulent la fonction des protéines dans le corps de la fourmi, malgré l'élévation de la température. Pour une efficacité optimale, elles produisent ces protéines avant de sortir. J'aimerais pouvoir en faire autant. Un nid climatisé : construit à seulement une trentaine de centimètres de profondeur, il y règne une température moyenne de 27° seulement, et il est particulièrement humide. Le Soleil qui lui impose ce mode de vie infernale lui fournit également sa pitance : la fourmi saharienne se nourrit en effet presque exclusivement des cadavres d'animaux tués par la chaleur. Sa journée de chasse se déroule ainsi : des sentinelles guettent le moment où les lézards se retirent dans leur tanière pour se protéger de la chaleur, toujours vers la même heure, lorsqu'il fait environ 47°. Dès que le signal est donné, la colonie entière s'élance hors du nid et commence à chercher de la nourriture. Les fourmis ont environ dix minutes pour trouver un maximum de ressources, et doivent rejoindre le nid le plus vite possible. Lorsque la température dépasse les 53,6°, elles succombent rapidement. Si elles le peuvent, elles font une halte sur un point en hauteur : ainsi éloigné du sol, elles peuvent abaisser un tantinet leur température corporelle et s'allouer de précieuses minutes.
L'azurée de la croisette (Phengaris rebeli). Crédit : elminino
"L'azurée de la croisette" : un bien joli nom pour ce petit papillon, malheureusement menacé en France. Bon, il n'est pas vraiment volé, le lépidoptère est effectivement bleu, aussi bleu que les fleurs de la gentiane de la croisette, où il passe énormément de temps. Si j'en parle ici, c'est évidemment parce qu'il fricote avec les fourmis, avant même de devenir un papillon. La chenille de Phengaris rebeli a en effet trouvé l'astuce ultime pour se faire dorloter : elle imite, non seulement la larve, mais aussi la reine de certaines fourmis. Elle est ainsi traitée comme telle par la colonie qui la protège comme une souveraine légitime. Comment réussit-elle ce tour de force ?
Tout commence lorsque l'azurée de la croisette pond ses œufs : elle repère un nid de fourmis et pond ses œufs sur des plantes à proximité. Lorsqu'il éclot, l’œuf libère une minuscule chenille qui vient choir à l'entrée du nid. Là, elle attend que des ouvrières consciencieuses, dupées par son aspect et son odeur la trouvent et la ramènent au nid.
"C'est clairement leur point faible, ce manque de contrôle au niveau des larves, je ne sais pas qui est responsable de la sécurité mais ce n'est pas rassurant !" (Christian Esfourmi, maire de Myrce).
Une fois confortablement installée, la chenille est choyée par les ouvrières, qui ne se rendent compte de rien. "Les chenilles viennent jusque dans nos nids, voler notre pain !" (L'azurée LePen, lauréate de concours bovin).
La duperie prend alors une allure nouvelle : la chenille imite les stridulations que la reine produit en grattant son abdomen strié - inaudible pour l'oreille humaine - ce qui lui vaut un traitement de faveur ainsi que la ferveur populaire. Un cas remarquable de mimétisme acoustique.
"Si vous ajoutez à cela le bruit et l'odeur.. heu ... écoutez... (ronflements)" (un démon japonais)
L'histoire ne se termine pas là. Même lorsque la chenille devint une chrysalide, elle continue d'imiter les sons monarchiques, de façon nécessairement différente, et d'émettre des phéromones royales.
Dans son commentaire, Mickaël me précise que ce type de comportement vis à vis des fourmis n'est pas l'apanage de l'Azurée de la Croisette, mais qu'on le retrouve chez tous les représentants du genre Phengaris.
Des fourmis s'occupent de la pupe de l'azurée de la croisette. Crédit : Marcin Sielezniew
Bien au chaud dans sa pension royale, on s'imagine qu'elle n'a plus grand chose à craindre. Mais bien sûr, la nature a trouvé une façon bien à elle de retourner la situation, au profit d'une guêpe, qui vient pondre ses œufs dans les chrysalides. Mais c'est une autre histoire, que je vous invite à lire sur le blog SSAFT.
La fourmi kamikaze
Chez les fourmis, on pense collectif avant tout, et de nombreux comportements ne produisent pas de bénéfice individuel notable, raison pour laquelle elles échouent généralement aux entretiens d'embauche de la B.N.P. Camponotus saundersi et Camponotus cylindricus, deux espèces de fourmis charpentières que l'on trouve en Malaisie, poussent l'esprit de sacrifice un peu plus loin : en dernier recours, elles pratiquent une sorte de hara-kiri chimique qui garantit la sécurité du nid au prix de leur vie.
Ces fourmis possèdent des glandes mandibulaires hypertrophiées, qui sécrètent un liquide gluant et corrosif. Lorsqu'un combat tourne à leur désavantage, ou quand elles se trouvent encerclées sans entrevoir d'issue, elles contractent violemment les muscles de leur abdomen, ce qui provoque la rupture de leur estomac et l'explosion de leurs glandes. Les ennemis, ainsi que la fourmi suicidaire, se retrouvent alors piégés dans la glu.
Camponotus saundersi en pleine attaque-suicide, source ; ici
La Mouche
Il est temps de retrouver votre auteur favori, Howard Fourmi Lovecraft :
30 Juillet : Je ne trouve plus le sommeil. Elles prétendent que c'est la chaleur, ou le contrecoup de l'attaque du geai, mais il n'en est rien. Quelque chose d'horrible est sur le point de se produire, je le sens. C'est une menace indistincte mais réelle. La peur s'est emparée de moi et je ne puis m'en détacher.
3 août : J'ai dormi quelques heures, mais à quel prix ! J'e fais d'atroces cauchemars, je rêve qu'une créature démoniaque me décapite, pour s'établir dans ma tête.
14 août : On commence à me dévisager, à m'adresser des regards inquiets. Je ne suis plus la même, j'ai l'impression de ne plus pouvoir commander à mon corps. Je n'arrive même plus à me concentrer sur mes tâches. J'ai des hallucinations, j'oublie ce que j'ai fait la veille. Mon dieu, je deviens folle, j'ai le sentiment qu'un monstre grandit en moi et dicte mes actions. Ma tête me fait horriblement souffrir.
18 août : Je me suis réveillée à l'entrée du nid, sans savoir comment j'y était parvenue. J'ai froid. J'ai demandé de l'aide mais personne ne semble me comprendre. Je n'arrive plus à parler. Je vomis des paroles incompréhensibles. Les autres fourmis me regardent avec méfiance et dégoût ! Je ne sens plus rien dans mes membres, et mes maux de tête sont de plus en plus violents. Je le sais à présent : je vais devenir folle. Et mourir.
21 août : La fin est proche ! Aujourd'hui, j'ai vécu l'expérience la plus effroyable qui soit. J'ai vu, oh mon dieu ! J'ai vu comme une patte sortir de mon œil. Mes journées et mes nuits ne sont plus qu'un délire épouvantable.
22 aout : Je couche ici mes derniers mots. Je dois fuir. Ne me regardez pas. Ne me voyez pas. Je dois mourir.
Le journal s'arrête ici. Je l'ai retranscrit tel que je l'ai trouvé. Les mots, fébrilement griffonnés, étaient pratiquement indéchiffrables sur la fin, et la dernière page semblait déchirée. Le corps de la malheureuse ne fut pas retrouvé, mais les braves gens du coin furent néanmoins en mesure de me raconter ce qui s'était passé, car ils savaient trop bien le mal qui s'était emparé d'elle. La Mouche, c'est ainsi qu'ils l'appellent, ce monstre hideux qui les ronge de l'intérieur, l'avait possédée.
Howard Fourmi Lovecraft
Une fourmi aux prises avec une mouche Pseudacteon. Crédit : National Geographic
Ce passage est inspiré de ce que subissent certaines espèces de fourmis lorsque des mouches du genre Pseudacteon leur injectent des œufs. La victime ne se rend compte de rien, mais la larve se développe dans son corps et migre vers le cerveau. La larve finit par prendre le contrôle de la fourmi et lui intimer l'ordre de quitter la colonie et de s'éloigner d'une cinquantaine de mètres : les autres fourmis suspicieuses pourraient se rendre compte de la transformation et décider de se débarrasser de cette menace naissante. Lorsque la jeune mouche est prête, elle se libère de son hôte en le décapitant.
Une fourmi décapitée par une mouche Pseudacteon. Source : Gurumed
Cerise sur le gâteau : la mouche utilisera la tête évidée pour compléter son cycle. Bon ap.
Une mouche Pseudacteon émerge d'une tête de fourmi. Source : Gurumed
Le rite initiatique des bullet-ants
Ce gamin n'a pas l'air jouasse avec ces nouvelles moufles, et pour cause : vous connaissez l'ice-bucket challenge ? Au Brésil, chez les Sateré-Mawé, il y a le bullet-ants challenge, une version hardcore qui n'a bizarrement pas encore été utilisé dans des campagnes d'appels au don.
Il s'agit, à proprement parler, d'un rite initiatique censé introduire un jeune garçon dans l'âge adulte. Ce rite consiste tout simplement à faire l’expérience de la pire douleur possible, et je ne parle pas de calculs rénaux. Pour devenir un homme, le jeune Mawé doit plonger les mains dans de jolis gants farcies de centaines de fourmis Paraponera clavata, surnommées "the bullet ant" par les anglo-saxons. Leur piqûre a en effet la réputation d'être aussi douloureuse que l'impact d'une balle de fusil (il faut croire qu'il y a donc sur Terre de fieffés veinards, qui se sont fait ET tirés dessus ET piqués par ces vilaines bestioles).
Mais revenons au rite : la première étape consiste à farcir des gants végétaux de fourmis, endormies grâce à un sédatif naturel. Lorsqu'elles se réveillent, le jeune homme doit enfiler les gants et les garder 10 minutes.Commence alors un calvaire insoutenable.Lesinsectes agressés et pris au piège réagissent en piquant la peau du malheureux : chaque fourmi peut piquer plusieurs fois par seconde. A chaque piqûre, elles injectent une neurotoxine paralysante qui provoque une douleur indescriptible, jugée comme la plus intense sur l'index de Schmidt. Les fourmis s’engrènent les unes les autres en libérant des phéromones de guerre. Au bout de dix minutes, le garçon peut enlever les gants et évacuer la douleur en dansant (apparemment, ce n'est pas très efficace). Ses mains et ses bras resteront paralysés durant 24 heures et il souffrira de tremblements incontrôlés pendant plusieurs jours. Et dire qu'il devra répéter ce rite une vingtaine de fois avant de gagner le respect des anciens. Je suis sûr qu'une femme s'en sortirait mieux. Pour vous donner une petite idée :
Bactéries ! Bactéries ! Bactéries ! A chanter sur l'air de Bicycle Racede Queen. Hem. Donc dans cet épisode d'Art et Sciences, on va parler de bactéries à toutes les sauces. Pas très ragoûtant a priori, mais si vous avez lu mon petit billet sur les bactéries fractales, vous savez déjà que ces microscopiques organismes peuvent parfois réserver de jolies surprises :)
Au menu de cet épisode : Maria Peñil Cobo, une artiste peintre qui peint des peintures avec des bactéries, le Agar Art Contest, les portraits en pixels bactériens de Zachary Copfer, les sculptures bactériennes de Rogan Brown et le Daily Dish de Klari Reis. Bonne lecture !
Depuis qu'on m'a offert un objectif macro il y a quelques années, j'ai amoncelé quelques photos sympas qui, soit dit en toute modestie, pourraient faire des fonds d'écran très sympas pour des téléphones portables milieu de gamme. Je n'ai bien sûr aucun mérite : l'objectif fait tout, c'est presque magique. On pourrait photographier un truc petit et moche, comme un ancien président, que ce serait quand même beau (l'année prochaine, je m'achète un objectif grand angle pour les Bogdanov). J'imagine qu'on doit pouvoir faire des photos vraiment sensationnelles quand on s'en sert bien et qu'on a pris le temps de lire le mode d'emploi. En attendant ce jour six fois béni, voici un petit billet en images. J'aurais aimé le publier plus tôt, mais j'attendais l'arrivée du printemps. La nomenclature est hasardeuse car j'ai préféré une mémoire biologique et défaillante à une carte SD. La prochaine fois, je prends les plaques en photo. Si je n'oublie pas. Et puis je compte sur vous pour me renseigner :)
Comme je n'arrive pas à alimenter régulièrement les différentes rubriques de ce blog, j'ai décidé de réagir efficacement et d'en rajouter une. J'inaugure donc ici une série de billets consacrés à l'archéologie, pour laquelle je nourris une passion romantique, en aucune manière influencée par un certain aventurier ophiophobe et mal rasé. Je n'ai pas encore trouvé de nom accrocheur, mais sachez qu'il y aura des cités légendaires, des temples maudits, des artefacts sacrés, des trésors oubliés, des sacrifices rituels et bien sûr, des blagues pourries sur Indiana Jones. J'entame cette série avec l'histoire de la cité engloutie de Mahabalipuram, la légendaire "Sept Pagodes".
Le Temple du rivage deMahabalipuram. Crédits : Wikipédia
Oh que j'ai honte : je passe tellement de temps sur Facebook que j'ai déjà la matière pour une quatrième compilation de
blagues de geek/nerd/science ! Cette série est inspirée par la chaîne de billets initiée par Rock’N Science. Vous pouvez retrouver le premier opus ici, le second ici et le troisième ici.
Comme d'hab, presque tout est en anglais, mais je commence à trouver quelques petites choses en français. Je re-re-re-renouvelle mon
invitation à visiter le site Strip Science,
qui regroupe le fleuron avant-gardiste de la B.D scientifique française. Et
comme toujours, les suggestions sont plus que bienvenues. Bonne lecture :)
Depuis le temps qu'on me parle de l'ExoConférence d'Alexandre Astier ("ExoConf" pour les habitués), j'ai cédé à la pression populaire et je suis allé voir le spectacle vendredi dernier (merci pour les places Rodolphe, c'est con que t'aies préféré Gérardmer). Bon, ben je vous le dis tout net : c'est bien. Et ça c'est chiant. C'est chiant parce que je ne vais pas pouvoir jouer mon snob, comme je l'avais fait pour ma critique du livre Seul sur Mars. Bon, y a quand même un ou deux trucs que j'ai trouvés pas top, notamment le fait qu'il se pointe sur scène avec une seule barquette de framboises pour 4 000 personnes, et la fille qui riait trop fort juste devant nous. Mais j'y reviendrai à la fin de ce billet. En attendant, voici six bonnes raisons d'aller voir l'ExoConf d'Alex (pour les intimes), que vous soyez physicien alcoolique, brancardier de cinéma, avaleur de sabres ou vicaire copernicien.
2015 fut pourrie, et 2016 commence mal. Mais il n'y aucune raison pour que le reste de l'année ne soit pas abracadabrantesque ! Enfin sauf si elle fait "pshitt" #lol #chirac. Je l'entame avec nouvel épisode de rhino et de Beautiful Science. Le principe, qui vaut un succès grandissant à cette rubrique cotée en bourse, reste inchangé : des images scientifiques, liées par leurs formes, couleurs et motifs, de l'infiniment petit à l'infiniment grand. Et j'attaque fort, avec une photographie de l'Univers tout entier. Bonne année 2016, vive la science !