mardi 25 février 2014

Barbecue Science : bière, loi des gaz parfaits et cavitation

Avec un peu d'avance (trois semaines si j'en juge par les températures printanières), j'inaugure la saison des barbecues avec deux expériences viriles et spectaculaires à réaliser avec un minimum de matériel : écrabouiller une canette avec de l'eau froide et éclater une bouteille de bière avec la paume de votre main, afin d'illustrer la loi des gaz parfaits et le phénomène de cavitation. Enfin, j'écris "de la bière" mais libre à vous de faire ça avec des boissons compatibles avec une bonne hygiène de vie. Vous n'êtes même pas obligés de faire ces expériences pendant un barbecue !

Écrabouiller une canette avec de l'eau froide pour éprouver la loi des gaz parfaits

Pas besoin de longs discours : faites chauffer un peu d'eau dans une canette préalablement vidée de son délicieux contenu. Au feu de bois ou sur une plaque, l'important est que l'eau contenue dans la canette chauffe gentiment jusqu'à ébullition . Non loin, disposez un récipient rempli d'eau glacé (blindez de glaçons pour un effet spectaculaire). Pour la suite, voici une vidéo de démo en slow-mo :


Le gaz parfait est un modèle simple décrivant les gaz dans des conditions de pression faible (on considère alors que les molécules sont suffisamment éloignées les unes des autres pour négliger leurs interactions). En 1811, Amedeo Avogadro, un physicien turinois dont le nom résonne joyeusement à l'oreille des chimistes en herbe, a énoncé la loi qui porte son nom. Elle stipule, elle dit, elle raconte que, indépendamment de la nature d'un gaz, sa température, sa pression et le volume qu'il occupe sont liés par l'équation suivante :
p V = n R T

p est la pression (en pascals), V le volume (en m3), n la quantité de matière (en moles), T la température (en Kelvin, parce que c'est l'unité du système international : le 0° Celsius correspond à 273,15 Kelvin) et R une constante qui vaut à peu près 8,31 J⋅mol-1⋅K-1. En d'autres termes, la pression et le volume d'un gaz sont proportionnels à sa température. Cette approximation marche très bien pour de nombreux gaz, parmi lesquels le diazote et le dioxygène, les deux constituants majoritaires de l'air.
La version hardcore de l'expérience de la canette 
En considérant l'air comme un gaz parfait, on peut expliquer très facilement ce qu'il s'est passé dans la canette. Celle-ci est chauffée à tel point que l'eau commence à se transformer en vapeur, la température de l'air y approche donc les 100° Celsius. La pression dans la canette est à peu près égale à celle de l'air ambiant (soit 101 325 Pascals). En effet, la canette est ouverte, l'air peut s'échapper par l'ouverture et il y a équilibre entre la pression intérieure (dans la canette) et la pression extérieure. Cette pression peut sembler basse, mais elle équivaut à un poids de 10 tonnes sur une surface d'un m². Quand la canette est plongée dans l'eau à 0° Celsius, la température du gaz chute brutalement, ce qui entraine une baisse rapide de la pression dans la canette : le gaz n'a plus besoin d'autant de place. Mais cette fois, la canette est "fermée" par l'eau, l'air ne peut plus circuler et les pressions ne peuvent pas s'équilibrer.  En supposant que la température de l'air contenu dans la canette passe de 100° C à 0° C, c'est à dire de 373 Kelvin à 273 Kelvin, on obtient une baisse de température de 73 %. Comme la pression est proportionnelle à la température, elle subit elle aussi une baisse de 73%. À cet instant, la pression extérieure est donc bien plus forte que la pression dans la canette : c'est comme si cette dernière devait supporter un poids de 73 kg ! Conséquence immédiate : la canette se ratatine quasi-instantanément !
Les pressions intérieure et extérieure à la canette se rééquilibrent
Une fois le volume de la canette drastiquement réduit, les pressions intérieure et extérieure sont presque à l'équilibre. Vous avez encore soif ? lisez la suite :)

Casser une bouteille de bière en observant la cavitation 

Cavitation au fond d'une bouteille. Crédits : Phil Taylor
Cette seconde expérience est à faire à l'extérieure dans la mesure du possible, car (spoiler) vous allez ramasser du verre cassé : évitez donc les tongs et les enfants. Matériel : une petite bouteille en verre contenant de l'eau ; ici aussi, il va falloir boire avant d'étudier. Tenez la fermement d'une main et frappez fortement le goulot avec la paume de l'autre main, de sorte à éprouver une douleur modérée ou vive, comme dans cette vidéo des slow-mo guys :


Diagramme pression-température de l'eau présentant la cavitation.
La bouteille se brise par le bas ! Pourquoi ? L'onde de choc n'est pas directement en cause. En tapant brusquement le goulot de la bouteille, vous provoquez une brusque accélération de la bouteille vers le bas. Le liquide dans la bouteille ne subit cette accélération que partiellement et avec retard, et, pendant un bref instant, semble faire du sur-place. Il en résulte une soudaine baisse de pression dans le fond de la bouteille. Si l’accélération est suffisante (si votre paume est rouge), la dépressurisation est telle que l'eau peut passer à l'état de vapeur : des bulles de gaz peuvent apparaitre et grossir, c'est ce qu'on appelle la cavitation. Presque immédiatement, l'eau retombe dans le fond, la pression redevient normale et les bulles implosent. L'énergie dégagée, en particulier près des parois, crée des fissures et la bouteille se brise. La vidéo scientifique ci-dessous montre dans quelles conditions le phénomène survient. Notez au passage que vous auriez pu épargner votre main et frappez le goulot avec un maillet.


Avec une boisson gazeuse, les cavités se seraient remplies de dioxyde de carbone dissous et les bulles ne se seraient pas effondrées : elles auraient simplement rejoint l'air libre en haut de la bouteille.

En combinant ces deux tours, vous parviendrez certainement à vous faire exclure de tous les barbecues, n'abusez donc pas des pouvoirs qui viennent de vous être confiés. Allez, un dernier tour pour la route : comment ouvrir une bouteille de bière avec un concombre :


On peut découvrir d'autres tours de physique de la vie quotidienne dans la série Street Genius de National Geographic dont le premier épisode est visible gratuitement et en français ici.

À découvrir sur le c@fé des Sciences :

La sonoluminescence : une étoile dans un verre d’eau

2 commentaires:

  1. Délicieusement nerdy; la formule parfaite pour briller un bref instant dans les soirées sont on a pas encore été exclus. Merci pour l'inspiration :)
    Par contre, il faut que je fasse mon typo-nazi de service : le degré Kelvin n'existe plus depuis 1962. Paix à son âme. Depuis lors, on parle simplement de Kelvin (sans °) http://www.bipm.org/fr/CGPM/db/13/3/

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  2. Merci pour le commentaire Alan :) Dammit, je ne savais pas, je vais corriger ! C'est curieux, pendant toute ma scolarité, on m'a toujours parlé de ° Kelvin.. A croire que mes profs n'avaient ni fait mai 68, ni eu connaissance de la décision de 62..

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