mardi 18 juin 2013

Pourquoi je kiffe la science.

Pourquoi je kiffe la science
Ceci est ma contribution tardive à la chaîne de billets initiée par Sirtin dans laquelle les blogueurs du café des sciences ont répondu à la question "pourquoi je kiffe la science". Je n'étais pas spécialement convaincu au départ, en partie parce que je pensais que c'était une initiative tournée vers l'auteur, qui n'intéresserait pas forcement les lecteurs : à tous les coups, répondre à cette question revenait à raconter un peu sa vie. J'imagine que ma réticence était aussi due à une certaine réserve lorsqu'il s'agit de parler un peu de soi. Et puis, comme d'autres, je ne suis pas fan du mot "kiffer", alors qu'écrire "putain truc de ouf" me dérange moins. Bon, quoiqu'il en soit, j'ai aimé lire les billets de la série et je me suis lancé. Je vous invite donc à lire la suite ou à reposer vos yeux, en écoutant la version audio ci-dessous, très aimablement réalisée par Alan de Podcast Science.

The dwarf nerd rises

Contrairement à la majorité des blogueurs du café, j'ai découvert la science sur le tard, lorsqu'une météorite en diamant, infestée de bactéries extra-terrestres et gravée de mes initiales, s'est écrasée sur mon vélo. Suite à cet événement cosmologique majeur, incontestable signe du destin, j'ai décidé de me vouer corps et âme à la science.

Cette histoire de vélo n'est pas très crédible ; je recommence : la science, je suis tombé dedans assez jeune, après ma naissance mais avant le collège. Mais parler de science à cet âge me parait un peu abusif. Disons que j'étais très curieux, tout petit déjà, et que mon goût pour la science est une des conséquences de cette curiosité. Rien de très original jusque-là, je suis conscient que je vais devoir développer un peu..
Le petit cueilleur de fraises
Petit donc, mon père m'apprit à observer la nature, et, chance rare pour des locataires d'HLM, nous avions un petit jardin. J'y passais des heures à regarder les fourmis, les cloportes se rouler en boule dans ma paume, les abeilles chargées de pollen et les araignées excitées par les vibrations de leurs toiles, où je venais sournoisement de jeter un morceau de feuille. Je dois avouer que je malmenais parfois les pauvres fourmis : j’inondais leurs galeries et je contemplais comment, dans leur frénétique agitation, les ouvrières volaient au secours des œufs et les transportaient dans des parties épargnées par le déluge. Je m'occupais du jardin avec mon père tout en cueillant des fraises, et il me montrait les différents nids d'oiseaux, comment reconnaître les plantes à leurs feuilles et les nuages à leurs formes. Là est née ma passion pour les plantes et la nature. Le jardin était une contrée immense et mystérieuse. Je prospectais régulièrement le sol à la recherche de trésors enfouis. J'ai gardé quelques reliques archéologiques ; quelques pièces rouillées (dont un vieux Napoléon) et un étrange petit flacon qui contient les restes d'une pâte à modeler phosphorescente. Aujourd'hui encore, je marche toujours en regardant soit le sol, soit le ciel et rarement devant moi.

Mes trésors d'enfance
L'observation et la "recherche" étaient déjà mes activités de prédilection, et je ramenais toujours de mes vacances des fossiles, des minéraux, des morceaux de céramique ou des plantes. Ma mère était très attentive à ce que nous puissions (mes sœurs et moi) assouvir notre curiosité. Fille de médecin et artiste, elle complétait ce que j'avais appris de mon père en nous faisant visiter les musées et en nous mettant des pinceaux dans les mains. Je crois qu'elle nous laissait peut-être trop de libertés (dessiner sur les murs, creuser des fossés remplis de boue, élever des fourmis dans nos chambres) mais au moins, elle nous soutenait dans toutes nos initiatives. En primaire, elle m'aidait à réaliser les expériences dans les livres envoyés par mes grands-parents (fais ton propre soda) ou celles de la boite de chimie antédiluvienne léguée par nos voisins (pulvérise ta verrerie non conforme avec ces produits interdits depuis 15 ans). Avec mes sœurs, nous jouions littéralement avec le feu. Cierges magiques, pétards, bougies, maquettes en allumettes ; plus d'une fois nous avions dû faire disparaître les traces compromettantes de débuts d'incendie, les bonhommes lego fondus et les bouteilles d'alcool à brûler vides. Je me souviens aussi des lucioles Bonux "rechargées" (ou fondues) sur une ampoule et rappelées à notre souvenir par des vapeurs nauséabondes et très certainement toxiques. J'avais également reçu un joli microscope pour un de mes anniversaires et je pense que la seule chose qui ne soit pas passée entre les lamelles m'était encore inconnue à cette époque.

Mon premier livre de sciences
Avec mon meilleur ami d'enfance, Sébastien Ricci, nous avions commencé à dessiner les plans d'une navette propulsée par fusées qui devait se rendre sur Vénus. Je devais être sacrément chiant à l'époque. La rencontre avec Serge Frère, mon instituteur de CM2, m'a marqué. Je ne sais pas s'il suivait scrupuleusement le programme, mais j'ai plus appris cette année-là qu'en quatre années de collèges : le dard des abeilles, le ski, la neige, la météo, les cosinus et les carrés magiques. C'est aussi à ce moment que j'ai commencé à lire de la science-fiction.

A cette époque, j'étais incollable sur l'astronomie et les dinosaures dont je collectionnais les répliques en plastique. Bien avant Jurassic Park, nous avions construit une sorte de zoo avec des tyrannosaures, des protocératops, des ptérodactyles et d'autres bestioles impressionnantes. Comme dans le livre de M. Crichton, nous faisions fi des millions d'années qui les avaient séparés en réalité. L'expo "Dinosaures" au palais de la découverte fut une expérience inoubliable. Et puis bien sûr, Jurassic park sortit en 1993 et marqua mon imaginaire vieillissant. Plus tard, M. Crichton mourut sans me reverser un seul cent.

Skyfall

L'horizon s’obscurcit
Mon père me fit aussi découvrir les maths. Il m'apprit le théorème de Pythagore en primaire. Du coup, dans les problèmes de 6 ème, pour savoir si un triangle était rectangle, je regardais si les mesures des côtés étaient proportionnelles à celles du cas classique, où les côtés font 3, 4 et 5 unités. La prof n'aimait pas trop ça. Et je n'ai pas trop aimé le collège. Après un différend en 6ème, au sujet de la formation de la chaîne himalayenne avec ma prof d'histoire-géo, Mme Rottée, une pauvre femme aveugle, sourde et alcoolique qui enseignait sa matière avec des supports datant de 1904 et qui ignorait la tectonique des plaques, je décidai que je n'y apprendrais rien. De toute façon, être bon élève était TRÈS mal vu dans ma classe, et je profitai de cette période pour apprendre d'autres choses sur la vie avec mes amis.

A la fin de mon année de 6 ème, ma mère m’emmena voir "une brève histoire de temps", le film tiré du livre de Stephen Hawking. Je sortis de la salle avec une vision complètement différente du monde. A cette époque, j'étais encore forcé d'aller chaque dimanche à l’église, et s'il me restait quelques doutes quant à l'inexistence de dieu, ils furent balayés par cette séance de cinéma. Plus tard, je conçus une forte aversion pour les religions en général, où la curiosité n'a pas sa place. Je dois toutefois admettre que l'église protestante de ma mère, avec sa simplicité et son absence de rituels débiles, était probablement le moindre des maux. Durant cette période, je lus beaucoup, essentiellement des livres au sujet de la relativité ou sur la mécanique quantique et l'Univers me semblait soudainement être un jardin autrement plus mystérieux et plus vaste que celui où je traumatisais les fourmis. Ces questions de temps et d'infinis, d'incertitude et d'intrication me tenaient éveillé toute la nuit.

Au lycée, je choisis une orientation scientifique, en me disant que je pourrais toujours lire des livres. Mais le collège m'avait dégoûté et le système scolaire avait eu ma peau. Résultat de mon manque total d'implication ou prémisse de ma situation future, je redoublai ma première. Sur un plan scolaire, cela ne servit à rien, car je reçus quasiment les mêmes notes. Je rencontrai en revanche de très bons amis. Le rendez-vous raté avec la philosophie me laissa un goût amer mais mes profs de Physique-Chimie parvinrent à tirer quelques efforts de mon insolente personne. Après le bac, je suivis un cursus scientifique où je redécouvris la science. Nous étudiions enfin les vraies mathématiques. Je retrouvai l'esthétique, l’élégance, et j'ose l'écrire, la grâce dans les équations et les figures de physique. J'étais particulièrement fasciné par celles de la dynamique des fluides. Je continuais à me passionner pour diverses disciplines mais c'est la physique qui me semblait receler le plus de trésors enfouis. Malheureusement, quelques années plus tard, épuisé par les insomnies, embourbé dans des problèmes personnels et au bout du rouleau, je sombrai dans la dépression. Malgré le soutien de ma directrice, je laissai tomber ma thèse et achevai de détruire le reste.

Back to the futur

 
Aujourd'hui, après quelques années difficiles, j'ai retrouvé l'enthousiasme du cueilleur de fraises. Grâce, entre autres, à internet et à une poignée de blogueurs passionnés, j'ai renoué avec ces sensations d’émerveillement, de surprise et de découverte. C'est ce que j'essaie de partager sur mon blog : le côté beau, surprenant et incroyable de la science. Pour moi, les questions qui nourrissent la science viennent de là. Voici une courte vidéo qui résume bien ce que j'essaie maladroitement d'exprimer :


Pourquoi ne nous montre-t-on pas des trucs comme ça à l'école ? C'est pourtant quelque chose que tout le monde devrait savoir : il existe dans la nature des animaux tellement extraordinaires qu'ils peuvent se métamorphoser instantanément. Il y a aussi des gorilles qui pleurent et des trous noirs au centre des galaxies. Savoir cela me parait bien plus important que l'histoire des rois de France. Et pourtant : je suis également pour un enseignement "historique" de la science. Si on nous expliquait comment et pourquoi les grandes avancées scientifiques ont été possibles, si on nous racontait la science, je suis persuadé qu'elle n'aurait pas cette connotation ennuyeuse. Enfin, la science ne met ni les Hommes ni les dieux au centre de toutes choses. Cela ne veut pas dire qu'elle n'est pas humaine, simplement qu'elle contemple l'univers avec perspective. A l'heure où les gens s'enflamment pour des causes invraisemblables, il me parait important de montrer les fourmis, les nuages et les fraises aux générations futures. Ainsi que la trilogie de retour vers le futur.

Je laisse Carl Sagan conclure à ma place.


7 commentaires:

  1. Je kiffe trop cet article, il déchire grave \o/

    Plus sérieusement, merci pour le récit, ça aurait été dommage de passer à côté de ça, et je pense que beaucoup de lecteurs doivent s'y retrouver un peu.
    En plus j'ai appris une chose : que Michael Crichton était mort !

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  2. Je confirme, certains lecteurs s'y retrouvent, et pas qu'un peu! Merci Karim et vive les fraises, les poulpes, la science et les blogs!

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  3. Merci beaucoup pour vos encouragements :) Longue vie aux poulpes !

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  4. merveilleux ton article, et surtout avc la video c'est juste magnifique!ya tellement de choses incroyables dans ce monde et je suis sur que la part caché des ces choses est bien plus fascinante!

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  5. Merci Farida :) Effectivement, il reste encore beaucoup à découvrir !

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  6. Je découvre avec grand plaisir ton blog et ce récit là fait écho ! Merci pour toute cette curiosité partagée.

    La fin me fait penser à ce TED : http://www.ted.com/talks/tyler_dewitt_hey_science_teachers_make_it_fun?share=1ffae6b965

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  7. Merci super tardif Sabine (je n'ai pas reçu de notification pour ce commentaire). Et merci pour le lien, je suis en train de regarder ça :)

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