La dynamique de la ségrégation
Prix du m² à Paris |
Les populations à faible revenu sont donc maintenues en périphérie, à moins qu'elles ne rejoignent un groupe ethnique et/ou religieux déjà bien implanté dans la capitale (je pense par exemple au quartiers "asiatiques" ou "juifs"). Ces communautés se développent rapidement et parfois de façon autonome grâce à l'assimilation facilitée, la solidarité active et le sentiment rassurant de se retrouver "entre eux" (cette dernière notion étant commune à tous les groupes). L'orientation sexuelle peut aussi jouer : en atteste le développement des quartiers "gays".
Ces groupes (riches, pauvres, chinois, arabes, français, juifs etc.) développent une intolérance et une préférence vis à vis des nouveaux arrivants et de leurs espaces cibles en cas de déménagement. Très vite donc, un schéma de ségrégation quasi irréversible émerge. De plus, des dynamiques analogues peuvent intervenir dans la spécialisation professionnelle des quartiers ; les commerçants et artisans se regroupent par domaine et créent des quartiers dédiés à une activité.
Le modèle de Shelling
Dans son article de référence "Dynamic Models of Segregation" publié en 1971, l’économiste américain Thomas Schelling propose un modèle simple pour expliquer la ségrégation "raciale" au niveau d'une ville. Il pose comme hypothèse que chacun possède une certaine tolérance en ce qui concerne le voisinage et souhaite un minimum de diversité mais pas trop non plus. L'espace géographique est représenté par une grille avec des cases qui symbolisent des emplacements habitables, vacants ou non (les cases blanches symbolisent les espaces vacants). Les habitants appartiennent à deux groupes ethniques: les bleus et les rouges (moins polémique que les blancs et les noirs). Selon la disponibilité des espaces, ils peuvent choisir de rester ou de déménager vers un espace dont le voisinage leur convient mieux. Schelling montre alors, en appliquant la théorie des jeux, que la répartition de la population peut évoluer rapidement vers deux situations stables:- un mélange de populations (cas très rare)
- une ségrégation quasi absolue.
Une illustration de cette évolution est donnée ci dessous, où les points bleus et rouges symbolisent deux populations se distinguant par un critère quelconque.
Images de simulation du phénomène de ségrégation à deux populations |
Cette théorie de l'évolution spontanée des groupes mixtes à partir de préférences, même très faibles, ne soutient absolument pas qu'il est normal de compartimenter les populations, elle tient juste compte d'un fait existant et tente de reproduire cette constatation en utilisant de nombreuses hypothèses et approximations, un peu comme dans cette vidéo où le modèle est expliqué avec une boite d’œufs :
Modéliser les phénomènes dynamiques urbains
Évidemment, la vraie vie est beaucoup plus compliquée et il faut souvent considérer plusieurs phénomènes simultanés et interdépendants. Le modèle de Shelling a été critiqué, parfois très vivement, pour sa vision simpliste des phénomènes sociaux. Il faut garder à l'esprit qu'il s'agissait à l'époque d'un pas important, non pas vers leur compréhension, mais vers leur modélisation. De nos jours, le modèle a été perfectionné et on peut simuler l’évolution de la répartition d'une population en prenant en compte de nombreux paramètres et en superposant des cartes de données. Il est également possible de faire interagir plus de deux populations et les critères peuvent être couplés (le niveau de richesse peut être corrélé à l'appartenance à un groupe ethnique par exemple). Ces simulations, menées par exemple avec le logiciel REMUS (voir ci dessous), permettent de mieux concevoir l'aménagement et le développement urbain.
On peut également intégrer des flux ou visualiser des situations prenant en compte plus que deux types de population dont le comportement est régit par des règles plus complexes (et en plus ça fait de jolies images):
Travaux de recherche en modélisation et sociologie, Michael D. Ball.Cliquez ici si vous voulez jouer avec son modèle et fixer les paramètres vous même.
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Sur cette page de l’Université de Mons, on trouve un bel exemple d'application : la simulation du système éducatif. Le principe du système utilisé est illustré par le graphique ci-dessous. Chaque agent (en mauve),
est situé dans son quartier de résidence et rattaché à un
établissement (un cercle noir). La taille du cercle informe sur
l’effectif de l’établissement à un moment donné ; la couleur interne du
cercle informe sur l’indice socio-économique moyen des élèves de
l’établissement (allant du vert, élevé, au rouge, faible). Chaque année,
les changements d’établissement modifient l’ensemble du système.
Le modèle de Shelling exporté
Le modèle de ségrégation a été étendu à de nombreux domaines et on peut l'utiliser pour étudier n'importe quel phénomène où des éléments se restructurent et se regroupent en obéissant à des règles de préférence et à des seuils de tolérance connus. A titre d'exemple et en guise de conclusion, voici une jolie petite vidéo, piquée sur le blog echoechonoisenoise, qui montre l'évolution d'un écosystème biologique fictif. On peut imaginer une population de plantes : les zones lumineuses sont attractives et favorables à la croissance et les zones sombres le sont moins. Il apparait des zones de ségrégation, soit densément peuplées, soit quasi désertiques.Pour en apprendre plus sur l'effet "quartier", ce document de M.MARPSAT.
La page de A.Ourednik
Le livre "Modéliser le social, Méthodes fondatrices et évolutions récentes" de F.VARENNE
La thèse de L.GAUVIN, "Modélisation de systèmes socio-économiques à l’aide des outils de physique statistique"
Le mémoire d' H.D.R de G.LAJOIE
Cette série de cours en vidéo (en anglais)
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